La société civile, fer de lance du Bénin vers le Partenariat pour un gouvernement ouvert

13 janvier 2017

La société civile, fer de lance du Bénin vers le Partenariat pour un gouvernement ouvert

Séance de travail avec les députés Orden Alladatin et Gildas Agonkan
Séance de travail avec les députés Orden Alladatin et Gildas Agonkan. Photo : DR

Du 7 au 11 décembre 2016, Paris, la capitale française, a accueilli le 4ème Sommet mondial du Partenariat pour un gouvernement ouvert. 5 années après la création de cette organisation planétaire, des représentants de plus de 70 États, des responsables de la société civile et acteurs du secteur privé s’étaient réunis pour parler de démocratie ouverte, de participation citoyenne, de données ouvertes, de transparence, etc. Présent au sommet, le Bénin s’est illustré notamment par ses acteurs de la société civile, en l’absence de délégation gouvernemental. Ces mêmes acteurs qui depuis quelques années mènent le plaidoyer pour l’ouverture des données pour plus de transparence dans la vie publique.

De la participation des acteurs de la société civile béninoise au sommet de Paris

Nous étions trois acteurs de la société civile béninoise  à ce sommet. Rosine Kédédji, chargée de communication de Social Watch Bénin, Abdou Saliou, géographe et acteur influent de la communauté OpenStreetMap du Bénin et de la sous région africaine. Je complète ces deux personnes en tant que blogueur et acteur de la promotion des données ouvertes au Bénin. Impliqué dans l’organisation de ce sommet depuis le début de l’année 2016, j’avais été l’un des meilleurs contributeurs à l’appel à propositions lancé en mai. En arrivant au sommet, j’avais dans mon agenda, au moins un pitch à présenter et une table ronde à co-animer avec d’autres acteurs de la sous région ouest-africaine.

Sélectionnée à participer au Sommet dans le cadre du projet Open Data Médias de CFI Médias, Rosine Kédédji qui venait de découvrir les données ouvertes a construit, au terme d’une master class de CFI Médias, un plaidoyer pour l’ouverture des données de la commune de Cotonou pour plus de contrôle citoyen de l’action publique et de participation citoyenne.

Pour Rosine, la participation au sommet a été bénéfique à plusieurs égards. “Ces rencontres nous ont permis de connaître et de comprendre au mieux l’importance de l’Open Data dans la gouvernance de mon pays. Lors de ces rencontres, nous avons côtoyé des acteurs contribuant directement à la promotion de l’Open Data dans leur pays, ce qui nous a un temps soit peu conscientisé sur son importance pour la gouvernance et le développement de nos pays”, a-t-elle confié. Mieux, elle sait désormais mieux orienter ces actions : “Notre contribution désormais est bien claire et précise (…) Nos actions dans le futur interpelleront tous les acteurs du développement du Bénin, l’élu national, les élus locaux, les responsables et autorités politico-administratives, les acteurs de la société civile encore plus et les populations en général. Nous mèneront également des actions de plaidoyer pour amener les parlementaires à voter une loi sur le droit d’accès à l’information et à intégrer les données ouvertes dans les pratiques”.

Rosine Kèdédji au milieu de deux participantes maliennes au Sommet du Partenariat pour un gouvernement ouvert à Paris. Photo : Maurice Thantan
Rosine Kèdédji au milieu de deux participantes maliennes au Sommet du Partenariat pour un gouvernement ouvert à Paris. Photo : Maurice Thantan

 

Pour Saliou, la participation a aussi été intense. Des deux jours de master class chez CFI Médias aux différents ateliers à la salle Pléyel puis au Palais de Tokyo en passant par le hackhaton Toolbox à l’Elysée. Ce spécialiste de l’OpenStreetMap a également participé à un mapathon organisé en marge du sommet.

Saliou Abdou présentant la communauté OpenStreetMap Bénin au Sommet du Partenariat pour un gouvernement ouvert à Paris

Personnellement, j’étais également sur plusieurs fronts. Il y a évidemment les deux jours de master class durant lesquels nous avons appris davantage de choses sur le gouvernement ouvert et les données ouvertes avec Sylvain Lapoix, le hackathon OGP Toolbox à l’Elysée et les interventions dans divers ateliers durant les trois jours du sommet. Les plus importants pour moi ont été la présentation du pitch de Benin Open Data Initiative, un projet de promotion des données ouvertes que l’Association des blogueurs du Bénin entend mettre en oeuvre à partir de cette année, les rencontres enrichissantes et les interventions au cours de différentes sessions.

Maurice Thantan s’entretient avec le collectif « Démocratie ouverte » lors du sommet du Partenariat pour un gouvernement ouvert à Paris en décembre 2016. Photo ! Saliou Abdou
Maurice Thantan présente le projet Bénin Open Data Initiative au Sommet du partenariat pour un gouvernement ouvert à Paris en décembre 2016. Photo : Saliou Abdou


Rencontre avec les parlementaires

En l’absence de délégation gouvernementale, ce sont les parlementaires qui ont été les seuls officiels béninois qui ont brièvement participé au Sommet. En effet le Président de l’Assemblée nationale, Me. Adrien Houngbedji, a conduit une délégation de quatre députés composée des honorables Valentin Aditi Houdé, 1er Questeur de l’Assemblée nationale, Mohamed Gibigaye, Orden Alladatin et Gildas Agonkan.

Ils ont participé à la session “Parlement ouvert” au Sénat français. Accueilli en invité d’honneur par Gérard Larcher, le président du Sénat Français, Maître Adrien Houngbédji s’est même prononcé à La Tribune. Malheureusement, la participation des députés béninois n’ira pas au delà de ça. Ils ne se rendront pas au palais d’Iéna ou au Palais de Tokyo où étaient organisés la plupart des événements, sessions, tables rondes, ateliers et pitches.

Mais on peut déjà saluer cette participation aussi modeste soit elle. Cette dernière ne surprend d’ailleurs pas quand on sait que le Président de l’Assemblée nationale s’est engagé personnellement dans la modernisation du parlement béninois. L’Assemblée nationale fait des efforts pour être ouverte aux citoyens à travers les nouvelles technologies. Le site internet de l’Assemblée est l’un des plus abouti du pays même s’il reste des efforts à faire.

L’Assemblée nationale travaille également sur un projet de code du numérique. Cependant, il reste à savoir quelle place le dit projet de code réserve aux données ouvertes, principal combat de la société civile béninoise.

Qu’à cela ne tienne, nous avons eu l’occasion de noter que les parlementaires sont ouverts aux propositions et à la démarche d’ouverture. En effet, ayant pris contact avec la délégation parlementaire, Rosine Kèdédji avons eu une séance de travail avec les honorables Orden Alladatin et Gildas Agonkan. Nous avons rencontré des députés à l’écoute et théoriquement disposés à nous ouvrir les portes pour mener le plaidoyer nécessité pour peu que des propositions concrètes et réalistes leur sont proposés.

En définitive, le quatrième Sommet mondial de l’OGP a été l’occasion pour nous de prendre davantage conscience de l’intérêt des données ouvertes pour la transparence dans la vie publique et la participation citoyenne pour une démocratie plus ouverte.

Gouvernement ouvert : quels intérêts pour le Bénin ?

Le gouvernement ouvert est une doctrine de gouvernance qui vise à améliorer l’efficacité et la responsabilité des modes de gouvernance publique. Elle établit que les citoyens ont le droit d’accéder aux documents et aux procédures de leurs gouvernements afin de favoriser une transparence et une responsabilisation accrue et de donner aux citoyens les moyens nécessaires pour contrôler, superviser et prendre part aux décisions gouvernementales et locales. Le Partenariat pour le gouvernement ouvert est une instance mondiale qui promeut cette doctrine. Pour le rejoindre, il faut satisfaire à quatre exigences :

  • transparence budgétaire et fiscale : mise à disposition du public et mise à jour régulière des documents fondamentaux relatifs à la dépense publique
  • accès à l’information
  • divulgation du revenu et des avoirs des élus et responsables publics
  • participation et engagement des citoyens dans l’action publique

Le Bénin a effectué ses premiers pas pour rejoindre le Partenariat pour un gouvernement ouvert depuis 2015. Le Conseil des ministres du 8 juillet 2015 a, en effet, “examiné et approuvé une communication du Premier ministre de l’époque relative à la manifestation de l’intention d’adhésion du Bénin à l’organisation «Partenariat pour un gouvernement ouvert » (PGO).”

Mais à ce jour il reste des efforts à effectuer pour que le Bénin puisse rejoindre le partenariat.  “Le Burkina Faso, le Bénin ou le Sénégal sont au  seuil de l’admissibilité”, avait indiqué Pauline Carmona, secrétaire générale du Sommet de Paris à Jeune Afrique en novembre 2016. Rencontrée à Paris, elle m’a précisé que pour rejoindre le PGO, le Bénin devrait agir sur deux volets essentiellement pour être éligible dans l’organisation : “Le Bénin a besoin de 5 points  pour devenir éligible au PGO. Il pourrait obtenir ces points en publiant l’audit annuel du budget de l’Etat (2 points) et en adoptant une loi d’accès à l’information (4 points)”.

En Afrique, les pays anglophones (Nigeria, Ghana, Liberia, Kenya, etc) sont plus représentés en terme d’effectifs. Cependant, on voit arriver de nombreux pays francophones aussi notamment à la faveur de la présidence française du partenariat. Lors du Sommet de Paris, le Burkina Faso a d’ailleurs rejoint le partenariat. La Côte-d’Ivoire, qui était déjà membre, a participé avec une importante délégation gouvernementale. Des pays comme la Guinée et Madagascar ont manifesté leur volonté de le rejoindre également.

A l’heure où le président de la république veut mettre en place de nombreuses réformes politiques pour renforcer la démocratie et l’état de droit, miser sur l’économie numérique pour moderniser la vie publique et créer des emplois, il est important d’intégrer les réformes nécessaires pour moderniser la démocratie en la rendant plus participative et plus citoyenne à travers l’ouverture des données publiques.

A ce titre, il est heureux de constater qu’une proposition de loi rectificative du code de l’information et de la communication a été introduite au parlement par le député Eric Houndété. Ce dernier estime en effet, et à juste titre, que “le droit positif béninois actuellement en vigueur au Bénin n’offre que des possibilités d’accès relativement limités aux informations publiques et a surtout conduit les administrations à généraliser la pratique de documents confidentiels privant ainsi les citoyens de leurs droits d’accès à l’information publique”.

Ce combat, la société civile, à travers l’Association des blogueurs du Bénin et d’autres acteurs de la promotion des données ouvertes le menait depuis quelques mois avec les moyens limités. Des séances d’information et de sensibilisation avaient été organisées à l’occasion du Blogcamp 2016 et de l’OpenCon Cotonou 2016.

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