Porto-Novo: un patrimoine architectural à sauvegarder
Début décembre, j’ai l’occasion de (re)découvrir la capitale du Bénin sous un autre angle et avec un nouveau regard. En effet, je suis en résidence dans le cadre d’un atelier de photographie et de réalisation de web-documentaire. A cet effet, j’ai eu le temps de contempler davantage la ville et en profondeur. Alors, j’ai décidé de lui dédier quelques articles dont voici le premier consacré à son très riche patrimoine architectural en danger.

Si vous êtes étranger et que vous arrivez dans la capitale du Bénin, Porto-Novo, il y a une chose qui vous frappera à coup sûr, quand vous observez bien votre environnement. En effet, lorsque vous regardez bien autour de vous, vous remarquez très rapidement la particularité de l’architecture des bâtiments. Le constat est encore plus perceptible lorsque l’on arrive d’une ville comme Cotonou où tous les édifices abhorrent leur aire moderne.
A Porto-Novo, une majorité des constructions est soit bâtie selon les formes de l’architecture coloniale ou afro-brésilienne. En effet, l’architecture de Porto-Novo est influencée par deux courants qui trouvent leur fondement dans le passé historique de la ville. Il y a l’influence de l’architecture occidentale (européenne plus précisément) du fait des maisons et bâtiments de fonction des cadres de l’administration coloniale. Faut-il le rappeler, à partir de 1896, la ville est devenue capitale de la colonie française du Dahomey favorisant ainsi l’implantation d’infrastructures administratives typiques de l’architecture coloniale.
Il y a également l’influence remarquable et plus visible de l’architecture afro-brésilienne. Particulièrement riche et présente au centre-nord de la ville (quartier afro-brésilien), elle est le fait des familles d’esclaves affranchis revenus du Brésil et de leurs descendants. Fleuron de cette spécificité architecturale de la ville aux trois noms, la mosquée centrale de Porto-Novo, dont les formes ne rappellent en rien le style d’une mosquée ordinaire, serait une réplique de la cathédrale catholique de San Salvador de Bahia au Brésil. Ces bâtiments afro-brésiliens sont notamment parés de diverses décorations murales particulièrement expressives, fruit d’un savoir-faire ancestral et dont la reproduction est quasiment impossible aujourd’hui.
Par ailleurs, à côté de ces deux éléments il faut aussi signaler l’existence d’un tissu vernaculaire riche de palais royaux, temples vaudou et autres paysages sacrés.
Bien malheureusement, bon nombres de ces joyaux architecturaux sont désormais des « espèces en voie de disparition » du fait qu’ils sont littéralement abandonnés, en état de dégradation et ne bénéficient d’aucun projet de réhabilitation pour leur sauvegarde. En fait, quelques bâtiments coloniaux abritent aujourd’hui des services de l’administration publique (exemple de l’ancien palais du gouverneur Bayol, actuel siège de l’Assemblée nationale), ce qui contribue dans une moindre mesure à leur sauvegarde. Ce n’est en revanche pas le cas des maisons afro-brésiliennes qui suscitent moins l’intérêt des autorités du fait de leur statut de propriété privée. Il en est de même des palais royaux, des temples vaudou et jardins sacrés.

Or, ce riche patrimoine architectural, fortement menacé aujourd’hui constitue l’une des plus grandes potentialités de la ville.
Sa sauvegarde pourrait ouvrir, pour la ville, de nouvelles perspectives sur le plan socio-économique notamment par le biais du développement d’une activité touristique.En effet, la conservation, la rénovation et la mise en valeur de ce patrimoine doit représenter désormais un enjeu important à la fois pour les autorités communales mais aussi au niveau national. C’est d’ailleurs pourquoi la sauvegarde de ce patrimoine est inscrite au cœur de projet de réhabilitation du passé historique de la ville. Ceci avec la participation de structures compétentes comme l’école du patrimoine africain afin de réaliser un cadre juridique de protection de ce patrimoine.
Les espoirs mis dans ce projet de réhabilitation sont énormes. Pour Alain Godonou, ancien directeur de l’Ecole du Patrimoine Africain (EPA) « l’exceptionnelle qualité du tissu architectural et urbain de la ville historique ainsi que sa diversité permettent d’espérer son classement au titre du patrimoine mondial ». C’est en effet là tout l’enjeu de cette sauvegarde.
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