Boni Yayi invité à être « Charlie » pour les journalistes béninois
Le dimanche 11 janvier 2015, le président du Bénin Boni Yayi était l’un des six chefs d’Etat africains à marcher à Paris au milieu d’une soixantaine de dirigeants venus du monde entier lors de la marche républicaine contre le terrorisme. C’était quelques jours après l’attentat à la rédaction du journal satirique français Charlie Hebdo. Vue du continent, la participation des chefs d’Etat africains (tous francophones) a suscité la polémique (à l’exception notable de celle de IBK, le président malien). Mais il semble que celle-ci ait ouvert un boulevard aux journalistes pour réclamer plus de liberté d’expression sur le continent. C’est de toute évidence le sens que l’on peut donner à la nouvelle qui fait actuellement le buzz au Bénin.
C’est tombé comme un coup de théâtre. Jamais personne n’aurait imaginé un journaliste de la première chaîne de télévision publique se rebeller de cette façon et en direct. Pourtant, hier, lundi 12 janvier 2015, alors qu’il présentait le journal télévisé de 23 h 30, Ozias Sounouvou, le journaliste de l’ORTB (Office de radiodiffusion et de télévision du Bénin) n’est pas allé pas quatre chemins pour exprimer son désarroi face à sa situation et celle de ses collègues. Alors que le reportage sur la participation de Boni Yayi à la marche républicaine venait d’être diffusé, avec adresse, il a interpellé le président de la République lui demandant également d’être « Charlie » pour les journalistes de l’Office.
Voici l’intégralité des propos d’Ozias Sounouvou :
« Être heureux et fier du sens de l’engagement de Boni Yayi devenu Charlie pour la liberté de presse en France et à l’international. Comme on aurait aimé pour aller au bout de cet engagement,que le chef de l’Etat devienne Charlie-Ortb. Charlie-Ortb pour la liberté de presse sur le service public de l’audiovisuel au Bénin ; liberté de presse qui rime avec ouverture des antennes de la télévision nationale aux vrais débats, sur les grandes questions politiques et autres qui engagent le présent et l’avenir de la Nation. Monsieur le président de la République, sauvez la liberté des journalistes à l’ORTB précieux héritage de la conférence nationale entre autres et entrez dans l’histoire. Pardon pour cette impertinence, n’est-ce pas là aussi l’esprit Charlie. Clause de conscience et devoir républicain obligent. Monsieur le Président de la République, vous êtes notre recours, rendu obligé ce soir après trois pétitions infructueuses des journalistes de l’ORTB, pour le retour de la liberté de presse sur le service public. Nous voulons juste faire notre métier et prendre notre part à la construction de la République. Vive le service public de l’information sur la chaîne publique ! Vive la république ! »
Depuis, c’est le branle-bas dans l’actualité nationale. Dans la presse et surtout sur les réseaux sociaux, le sujet est l’objet de toutes les conversations. Certains Béninois craignant que le journaliste soit sanctionné pour son impertinence ont d’ailleurs commencé à lancer plusieurs mouvements de soutien à son action sur Facebook. Ils ont repris à leur compte le slogan inventé par Jochim Rocin en l’adaptant au contexte local. Ainsi, les slogans #JeSuisOzias et #CharlieOrtb sont devenus des mots-clés très populaires ces dernières heures sur Facebook et Twitter. En moins de 24 heures, la page « 10 000 j’aime pour Ozias Sounouvou » a déjà rassemblé plus de 2 500 adhérents. Celle baptisé « Je suis Ozias Sounouvou » est aussi « aimée »Organisations de la société civile, hommes politiques, juristes, confrères journalistes et autres personnalités ne cessent d’apporter leur soutien au journaliste.
Sur les réseaux sociaux, l’on salue son courage et sa bravoure. Pour le moment, aucune réaction n’a encore filtré ni de la direction de l’ORTB ni du gouvernement béninois visiblement embarrassés. Wait and see.
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