Maurice THANTAN

Bénin : colère et mécontentement sur Internet face à un décret liberticide du gouvernement

Le jeudi 24 août 2018, les Béninois découvrent avec stupeur sur Internet (les réseaux sociaux en particulier) un décret du président de la République instaurant de nouvelles taxes sur les communications électroniques. On parle d’une contribution additionnelle de 5% sur le montant hors taxe des communications (voix) et d’une taxe de 5F (près d’un centime d’euro) par Méga Octet consommé par l’utilisateur des services Over The Top (Facebook, Whatsapp, Twitter, Viber, Telegram, etc..). Depuis, plusieurs voix fortes s’élèvent pour dénoncer ces nouvelles mesures face à un gouvernement qui fait la sourde oreille.

En quelques jours, ce qui était d’abord apparu comme une simple rumeur est devenu le principal sujet de conversation dans le pays. Les membres du gouvernement ont confirmé l’information et certains opérateurs ont révélé de nouveaux forfaits en application du décret liberticide. En effet, au cours d’une sortie publique mardi 28 août 2018, le ministre de l’Economie et des Finances a apporté des justificatifs pour le moins scandaleux à ces nouvelles taxes. (Voir la vidéo ci-dessous).

Selon le ministre de l’Economie et des Finances, les nouvelles taxes visent entre autres, à faire payer davantage ceux qui transfèrent des messages via WhatsApp pour “critiquer le gouvernement”. Par ailleurs, un courrier de l’Autorité de régulation des communications électroniques et de la Poste adressé à un des opérateurs GSM locaux confirme la mise sur le marché de nouveaux forfaits en application du décret contesté.

Restriction de la liberté d’expression

Dans ce contexte,  n’allons pas par quatre chemins pour le dire : taxer l’usage des services OTT (réseaux sociaux) revient tout simplement à restreindre la liberté d’expression des citoyens par la contrainte financière. Le montant des taxes annoncées peut paraître dérisoire au vue de certains, mais en réalité, à y voir de plus près, c’est une vraie manière de stopper ou de décourager les gens – surtout les blogueurs et les journalistes – d’utiliser ces réseaux sociaux (tout comme les services de messagerie instantanés). Nous avons donc des raisons fondées de nous inquiéter par rapport à  la restriction de la liberté d’expression dans notre pays à la lumière de cette nouvelle disposition.

Internet sans frontières a d’ailleurs vivement réagi dans un communiqué en appelant le gouvernement à « reconsidérer » son texte. Pour ISF,  « l’application du décret n° 2018-341, (…) viendra renforcer les inégalités d’accès à Internet au Bénin, et mettre en péril la liberté d’expression. » 

Pour Lionel Kpenou Chobli, chef d’entreprise et élu local très influent sur les réseaux sociaux, le gouvernement s’est trompé en prenant cette décision.

« La taxe sur les communications Internet est une erreur politique. Au Bénin, berceau du Renouveau Démocratique et du printemps des Libertés Individuelles, cela ne pourra être assimilé, urbi et orbi, qu’à de la censure et à un recul de la liberté d’expression teinté d’archaïsme. La taxe menace les droits fondamentaux de la liberté de parole et de l’accès à l’information qui sont non seulement garantis par la Constitution mais aussi protégés par les traités internationaux : la Convention internationale sur les droits civiques et politiques et la Déclaration universelle des Droits de l’Homme si l’on fait une lecture extensive. », a-t-il écrit sur Faceboook.

Le contraste entre la réputation démocratique du Bénin et ces nouvelles dispositions est l’élément fondateur de l’indignation de nombreux internautes. Ainsi, pour Arnaud Aurlus Serge, les explications du ministre des finances constituent tout simplement une bourde : « Ça vaut une démission pure et simple dans un pays sérieux », a fait savoir cet internaute.

“Inqualifiable recul” dans la promotion de l’économie numérique

Par ailleurs, en agissant ainsi, le gouvernement porte un coup d’estocade à l’économie numérique qu’il tente lui même de promouvoir depuis 2016. C’est ce que signale, dans une publication sur Facebook, Gilles Kounou, un entrepreneur dans le numérique dont l’entreprise est l’un des rares prestataires locaux du gouvernement.

“Dans un pays où l’offre d’Internet résidentiel filaire est très peu développée, où même des entreprises utilisent l’internet mobile comme solution de connexion professionnelle, cette mesure sonnera le glas du développement du Numérique au Benin […] C’est un inqualifiable recul », a-t-il posté.

A ce même propos, Lionel Kpenou Chobli s’interroge :

D’un point de vue économique et financier, à force de presser le citron, on avale l’écorce et elle est amère. Le temps passé en ligne et les données sont déjà taxés. Pourquoi une double imposition en y ajoutant la distinction de l’usage de ce temps de connexion et la nature des connexions ? Voudra t on nous expliquer que, parce qu’il est désormais possible d’envoyer un mail en Chine plutôt que du courrier express, la Poste du Bénin va instaurer une taxe sur l’utilisation de Gmail, Yahoo et Hotmail afin que l’Etat gagne encore de l’argent ?.

De son côté, Muriel Alapini, actrice de la gouvernance de l’Internet et militante de la promotion des jeunes filles dans le numérique rappelle au gouvernement qu’« il n’y a pas d’économie numérique sans accès à Internet à coût réduit ni de promotion des femmes dans le numérique ». 

Paradoxes

Venant du gouvernement du président Patrice Talon, le décret instituant de nouvelles taxes sur certains usages d’Internet est rempli d’incohérences (à l’image des politiques du gouvernement) et suscite plusieurs interrogations.

Durant la campagne électorale de la présidentielle de 2016, le clan du candidat Patrice Talon s’était abondamment servi des réseaux sociaux pour convaincre les électeurs. Aujourd’hui au pouvoir, l’exécutif utilise les réseaux sociaux pour communiquer sur toutes ses activités, parfois au mépris des médias classiques. En janvier 2017, le président de la République avait lui-même confié dans une vidéo publiée sur Facebook (titre de la vidéo : « Message pour mes amis internautes ») qu’il prenait du plaisir à lire les commentaires sur sa page y compris les critiques.

A ce sujet, un internaute ironise aujourd’hui sur Facebook avec la publication suivante :

Par ailleurs, dans son programme d’actions, le gouvernement du président Talon a mis l’accent sur la revalorisation du patrimoine culturel du Bénin afin de promouvoir la « destination Bénin » dans le tourisme. Dans ce cadre, plusieurs actes ont déjà été posés notamment la réclamation des trésors royaux du Bénin gardés en France. Récemment, le Bénin a supprimé le visa d’entrée aux ressortissants africains et créé une plate-forme de demande de visa en ligne dans la logique de booster le tourisme. En considérant tous ces efforts et sachant que l’accessibilité à l’Internet (qualité et coût) est un facteur déterminant dans le choix de destinations des touristes, on se rend compte que le gouvernement nage allègrement dans ses propres contrariétés. C’est une politique de « un pas en avant, deux pas en arrière », comme l’a souligné un internaute sur Facebook.

Au delà, de nombreux citoyens expriment leur indignation de diverses manières sur les réseaux sociaux et appellent le gouvernement à revoir sa décision. Une pétition a été lancée sur Internet à ce propos. Pour le moment, l’exécutif fait la sourde oreille. Malgré le tollé, la ministre de l’économie, habituellement très active sur les réseaux sociaux, n’a pas posté le moindre message sur le sujet depuis une semaine !


Indépendance du Bénin : fêter ou ne pas fêter ?

Drapeaux du Bénin hissés sur une place publique à Cotonou. Photo : L'Evenement Précis
Drapeaux du Bénin hissés sur une place publique à Cotonou. Photo : L’Evenement Précis

“Combien de béninois s’intéressent à la fête du 1er Août ? Quel intérêt avons-nous à la célébrer chaque année?”

Ce sont là deux interrogations postées sur Facebook par un compatriote qui m’ont interpellé ce dimanche 30 juillet 2017, deux jours avant la célébration du 57ème anniversaire de l’indépendance du Bénin.

Loin d’être une question isolée, après quelques années d’observation, je me rends compte que cette interrogation revient chaque année comme une rengaine, une ritournelle. La question mérite d’être creusée au delà des petits bouts de phrases postés rapidement ici et là.


L’indépendance : tout une histoire qui détermine notre avenir

Avant tout, il s’agit de notre histoire. On a tendance, à mon avis, à trop vite jeter l’opprobre sur cette fête et battre en retraite sa signification parce que nous mêmes avons refusé d’effectuer le processus d’émancipation mentale (confère Bob Marley) nécessaire qu’il faut pour considérer cette célébration dans tout ce qu’elle symbolise.

Un président de la République a dit, dans un passé très récent, ceci :

“Aucune Nation ne peut se construire durablement sans rester enracinée dans l’histoire.
Une histoire que la conscience collective a le devoir de renouveler constamment en y puisant à chaque occasion majeure de la vie nationale, les enseignements utiles et nécessaires pour l’avenir.”

De toute l’humanité, les processus d’indépendance ont été décisifs dans la marche des peuples vers la « Civilisation ».
A partir de ce moment, l’adoption d’une attitude “réac”, qui amène certains parmi nous, dans un en processus de suivisme irréfléchi (parce que la plupart des gens qui disent que c’est inutile de célébrer l’indépendance n’ont pas d’arguments, et je suis convaincu qu’en face d’une personne avertie, ils changeraient d’avis) est complètement absurde.

Peu de béninois savent par exemple les circonstances particulières dans lesquelles notre pays a accédé à l’indépendance. Peu de béninois savent que, contrairement à d’autres pays africains, la proclamation de l’indépendance du Dahomey Bénin aujourd’hui n’a pas été prononcée dans la liesse populaire. Ceci pour des raisons historiques et socio-politiques. Or, cette donnée influe inlassablement sur notre gouvernance.

Voilà une Fête nationale qui ne célèbre pas de façon concrète les héros de notre indépendance. Voilà quelque chose qui pourrait être amélioré, qui mérite réflexions et actions. Or, si l’on admet que notre société est en perte de repères ou de modèles (ce qui est relatif soit dit en passant), il pourrait avoir un salut à trouver dans les valeurs qui ont poussé ces hommes et ces femmes (si si, il y en a eu) à mener la lutte pour l’indépendance qui, semble-t-il, était basée essentiellement sur l’intérêt du Bénin.

L’indépendance : un processus continu

L’indépendance en elle-même est, selon moi, un processus continu. Ce processus est guidé par des valeurs. Lorsque vous échouez à maintenir ces valeurs constantes dans les esprits, il paraît évident que vous entrez dans un cycle de “déconstruction” de cette indépendance. Prenez l’exemple de la Grèce, ce pays a beau être indépendant, (ils ont même inventé la démocratie), à un moment de l’histoire, toute la politique du pays est dictée par l’Europe pour ne pas dire l’Allemagne.

Construire l’indépendance par des actes

Par ailleurs, nous aimons bien parler. Mais que fait-on nous mêmes pour rompre la chaîne ?
La plupart des gens qui disent qu’il serait mieux de prendre l’argent dédié à la célébration pour faire des sessions de réflexions ne font rien à leur niveau. Généralement. Il est souvent très difficile de passer des paroles aux actes.

En dehors des célébrations officielles, ce sont les commerçants qui profitent de l’occasion pour écouler leurs produits en fin de cycle aux moyens de promotions coûteuses, qui tirent encore le meilleur profit de cette célébration. Dans les rangs de ces derniers, ce sont souvent les tenanciers de débits de boissons qui font les meilleurs affaires. Ceux là ont encore l’intelligence de nous inviter à la fête pour célébrer l’Indépendance. Et les gens seront dans ces buvettes en train de mettre sur Facebook que c’est du gaspillage que de célébrer la Fête nationale.

Si nous passons notre temps à ne rien faire à petite échelle dans la mesure de nos possibilités, que serions-nous en mesure de faire quand on sera « grands » autre que de répéter que ce qui se fait avant nous et que nous dénonçons ? Question !

En définitive, fêter ou ne pas fêter l’Indépendance, n’est que fioriture. La question ne se trouve pas à ce niveau.

Moi ce premier août, j’irai travailler. Ensuite j’aurai une importante réunion avec le conseil d’administration de l’Association des blogueurs du Bénin que je dirige. Cette rencontre va déterminer notre vie pour les deux prochaines années, parce que nous venons d’avoir un mandat de deux ans.

PS : Bref je ne réfléchis plus beaucoup ces derniers temps. A l’origine ceci était un commentaire que j’ai commencé à écrire sur la publication mentionnée plus haut.


Open Data Day 2017 : retour sur l’événement organisé à Cotonou (Bénin)

Le samedi 4 mars 2017, les locaux du fablab Blolab ont accueilli le Open Data Day à Cotonou au Bénin. A l’instar des quelques 300 autres événements organisés à travers le monde à l’occasion de cette journée mondiale des données, l’initiative a drainé plusieurs dizaines de personnes ayant des profils différents pour s’informer, apprendre, échanger et partager leur expérience autour des données ouvertes. A Cotonou, c’est l’Association des blogueurs du Bénin qui a organisé l’événement et l’a placé sous le thème « Apprendre et comprendre l’intérêt données ouvertes comme levier de transparence ».

L’idée était d’expliquer au public qui a effectué le déplacement l’importance des données ouvertes dans une perspective de lutte contre la corruption de promotion de bonne gouvernance et de la participation citoyenne et du contrôle citoyen de l’action publique. L’innovation et l’amélioration des services offerts aux citoyens/usagers sont d’autres enjeux des données ouvertes abordés au cours de la rencontre.

Quatre communications sur les données ouvertes (open data)

Commencé peu après 10 heures, le Open Data a vu défiler quatre communications sur les données ouvertes.
La première présentation intitulée « Données ouvertes, des origines à nos jours » a été délivrée par moi-même Maurice Thantan. En tant que responsable de l’Association des blogueurs du Bénin, principal organisateur de la rencontre, j’ai d’abord rappelé l’historique, l’objectifs, les principes mais aussi les avantages des données ouvertes. Cette présentation été ponctuée d’exemples de projets citoyens réalisés à partir de données ouvertes (open data). Des outils et ressources nécessaires pour approfondir le sujet ont également été partagés.
La deuxième présentation a été axée sur le rapport entre les données ouvertes (open data) et la transparence. Cette présentation particulièrement animée a été conduite par Franck Kouyami. Spécialiste des données ouvertes (open data) et adepte du mouvement du libre en général, il avait déjà organisé et co-organisé deux open data day à Cotonou par le passé.
La troisième communication a été particulière. C’était plutôt un partage d’expérience. En effet, Malick Tapsoba, responsable de Open Data Burkina Faso était l’invité spéciale de l’événement. Il a partagé l’expérience du Burkina Faso en matière de mise en place de politique de données ouvertes (open data). En Afrique francophone, le Burkina Faso est cité comme un modèle en matière d’ouverture des données publiques. Le Pays cité comme l’un des plus prometteurs et à suivre de près cette année selon Guardian.
La quatrième et dernière communication de la journée a été l’oeuvre de Shadaï Ali. Associé chez Open SI (l’un des sponsors de cet Open Data Day), Shadaï a expliqué dans sa présentation comment les données ouvertes peuvent accélérer la transformation numérique des entreprises.

Personnalités et participants enthousiastes

Ces quatre présentations ont intéressé les participants par la qualité des intervenants. Le public aussi était composé de personnalités. Le directeur de l’Agence du numérique et directeur des services et systèmes d’information d’Etat à la présidence de la République était présent. Le directeur général des médias était aussi là. Des chercheurs, acteurs de la société civile, journalistes et universitaires ont également effectué le déplacement.

 

L’ensemble des présentations peuvent être retrouvées en ligne.
Il faut signaler que l’événement a bénéficié de l’appui de l’organisation international Open Knowledge International à travers les soutiens apportés par Hivos et Article 19 dans le cadre des subventions aux activités organisées dans le cadre de l’Open Data Day 2017.

 

L’événement s’est achevé sur une note de satisfaction. Certains participants qui venaient d’être sensibilisés sur la thématique des données ouvertes (Open Data) ont assuré tout leur engagement à militer désormais pour la promotion de l’Open Data au Bénin.
Retrouvez dans le storify suivant le fil de la journée en tweets et en images.


La société civile, fer de lance du Bénin vers le Partenariat pour un gouvernement ouvert

Séance de travail avec les députés Orden Alladatin et Gildas Agonkan
Séance de travail avec les députés Orden Alladatin et Gildas Agonkan. Photo : DR

Du 7 au 11 décembre 2016, Paris, la capitale française, a accueilli le 4ème Sommet mondial du Partenariat pour un gouvernement ouvert. 5 années après la création de cette organisation planétaire, des représentants de plus de 70 États, des responsables de la société civile et acteurs du secteur privé s’étaient réunis pour parler de démocratie ouverte, de participation citoyenne, de données ouvertes, de transparence, etc. Présent au sommet, le Bénin s’est illustré notamment par ses acteurs de la société civile, en l’absence de délégation gouvernemental. Ces mêmes acteurs qui depuis quelques années mènent le plaidoyer pour l’ouverture des données pour plus de transparence dans la vie publique.

De la participation des acteurs de la société civile béninoise au sommet de Paris

Nous étions trois acteurs de la société civile béninoise  à ce sommet. Rosine Kédédji, chargée de communication de Social Watch Bénin, Abdou Saliou, géographe et acteur influent de la communauté OpenStreetMap du Bénin et de la sous région africaine. Je complète ces deux personnes en tant que blogueur et acteur de la promotion des données ouvertes au Bénin. Impliqué dans l’organisation de ce sommet depuis le début de l’année 2016, j’avais été l’un des meilleurs contributeurs à l’appel à propositions lancé en mai. En arrivant au sommet, j’avais dans mon agenda, au moins un pitch à présenter et une table ronde à co-animer avec d’autres acteurs de la sous région ouest-africaine.

Sélectionnée à participer au Sommet dans le cadre du projet Open Data Médias de CFI Médias, Rosine Kédédji qui venait de découvrir les données ouvertes a construit, au terme d’une master class de CFI Médias, un plaidoyer pour l’ouverture des données de la commune de Cotonou pour plus de contrôle citoyen de l’action publique et de participation citoyenne.

Pour Rosine, la participation au sommet a été bénéfique à plusieurs égards. “Ces rencontres nous ont permis de connaître et de comprendre au mieux l’importance de l’Open Data dans la gouvernance de mon pays. Lors de ces rencontres, nous avons côtoyé des acteurs contribuant directement à la promotion de l’Open Data dans leur pays, ce qui nous a un temps soit peu conscientisé sur son importance pour la gouvernance et le développement de nos pays”, a-t-elle confié. Mieux, elle sait désormais mieux orienter ces actions : “Notre contribution désormais est bien claire et précise (…) Nos actions dans le futur interpelleront tous les acteurs du développement du Bénin, l’élu national, les élus locaux, les responsables et autorités politico-administratives, les acteurs de la société civile encore plus et les populations en général. Nous mèneront également des actions de plaidoyer pour amener les parlementaires à voter une loi sur le droit d’accès à l’information et à intégrer les données ouvertes dans les pratiques”.

Rosine Kèdédji au milieu de deux participantes maliennes au Sommet du Partenariat pour un gouvernement ouvert à Paris. Photo : Maurice Thantan
Rosine Kèdédji au milieu de deux participantes maliennes au Sommet du Partenariat pour un gouvernement ouvert à Paris. Photo : Maurice Thantan

 

Pour Saliou, la participation a aussi été intense. Des deux jours de master class chez CFI Médias aux différents ateliers à la salle Pléyel puis au Palais de Tokyo en passant par le hackhaton Toolbox à l’Elysée. Ce spécialiste de l’OpenStreetMap a également participé à un mapathon organisé en marge du sommet.

Saliou Abdou présentant la communauté OpenStreetMap Bénin au Sommet du Partenariat pour un gouvernement ouvert à Paris

Personnellement, j’étais également sur plusieurs fronts. Il y a évidemment les deux jours de master class durant lesquels nous avons appris davantage de choses sur le gouvernement ouvert et les données ouvertes avec Sylvain Lapoix, le hackathon OGP Toolbox à l’Elysée et les interventions dans divers ateliers durant les trois jours du sommet. Les plus importants pour moi ont été la présentation du pitch de Benin Open Data Initiative, un projet de promotion des données ouvertes que l’Association des blogueurs du Bénin entend mettre en oeuvre à partir de cette année, les rencontres enrichissantes et les interventions au cours de différentes sessions.

Maurice Thantan s’entretient avec le collectif « Démocratie ouverte » lors du sommet du Partenariat pour un gouvernement ouvert à Paris en décembre 2016. Photo ! Saliou Abdou
Maurice Thantan présente le projet Bénin Open Data Initiative au Sommet du partenariat pour un gouvernement ouvert à Paris en décembre 2016. Photo : Saliou Abdou


Rencontre avec les parlementaires

En l’absence de délégation gouvernementale, ce sont les parlementaires qui ont été les seuls officiels béninois qui ont brièvement participé au Sommet. En effet le Président de l’Assemblée nationale, Me. Adrien Houngbedji, a conduit une délégation de quatre députés composée des honorables Valentin Aditi Houdé, 1er Questeur de l’Assemblée nationale, Mohamed Gibigaye, Orden Alladatin et Gildas Agonkan.

Ils ont participé à la session “Parlement ouvert” au Sénat français. Accueilli en invité d’honneur par Gérard Larcher, le président du Sénat Français, Maître Adrien Houngbédji s’est même prononcé à La Tribune. Malheureusement, la participation des députés béninois n’ira pas au delà de ça. Ils ne se rendront pas au palais d’Iéna ou au Palais de Tokyo où étaient organisés la plupart des événements, sessions, tables rondes, ateliers et pitches.

Mais on peut déjà saluer cette participation aussi modeste soit elle. Cette dernière ne surprend d’ailleurs pas quand on sait que le Président de l’Assemblée nationale s’est engagé personnellement dans la modernisation du parlement béninois. L’Assemblée nationale fait des efforts pour être ouverte aux citoyens à travers les nouvelles technologies. Le site internet de l’Assemblée est l’un des plus abouti du pays même s’il reste des efforts à faire.

L’Assemblée nationale travaille également sur un projet de code du numérique. Cependant, il reste à savoir quelle place le dit projet de code réserve aux données ouvertes, principal combat de la société civile béninoise.

Qu’à cela ne tienne, nous avons eu l’occasion de noter que les parlementaires sont ouverts aux propositions et à la démarche d’ouverture. En effet, ayant pris contact avec la délégation parlementaire, Rosine Kèdédji avons eu une séance de travail avec les honorables Orden Alladatin et Gildas Agonkan. Nous avons rencontré des députés à l’écoute et théoriquement disposés à nous ouvrir les portes pour mener le plaidoyer nécessité pour peu que des propositions concrètes et réalistes leur sont proposés.

En définitive, le quatrième Sommet mondial de l’OGP a été l’occasion pour nous de prendre davantage conscience de l’intérêt des données ouvertes pour la transparence dans la vie publique et la participation citoyenne pour une démocratie plus ouverte.

Gouvernement ouvert : quels intérêts pour le Bénin ?

Le gouvernement ouvert est une doctrine de gouvernance qui vise à améliorer l’efficacité et la responsabilité des modes de gouvernance publique. Elle établit que les citoyens ont le droit d’accéder aux documents et aux procédures de leurs gouvernements afin de favoriser une transparence et une responsabilisation accrue et de donner aux citoyens les moyens nécessaires pour contrôler, superviser et prendre part aux décisions gouvernementales et locales. Le Partenariat pour le gouvernement ouvert est une instance mondiale qui promeut cette doctrine. Pour le rejoindre, il faut satisfaire à quatre exigences :

  • transparence budgétaire et fiscale : mise à disposition du public et mise à jour régulière des documents fondamentaux relatifs à la dépense publique
  • accès à l’information
  • divulgation du revenu et des avoirs des élus et responsables publics
  • participation et engagement des citoyens dans l’action publique

Le Bénin a effectué ses premiers pas pour rejoindre le Partenariat pour un gouvernement ouvert depuis 2015. Le Conseil des ministres du 8 juillet 2015 a, en effet, “examiné et approuvé une communication du Premier ministre de l’époque relative à la manifestation de l’intention d’adhésion du Bénin à l’organisation «Partenariat pour un gouvernement ouvert » (PGO).”

Mais à ce jour il reste des efforts à effectuer pour que le Bénin puisse rejoindre le partenariat.  “Le Burkina Faso, le Bénin ou le Sénégal sont au  seuil de l’admissibilité”, avait indiqué Pauline Carmona, secrétaire générale du Sommet de Paris à Jeune Afrique en novembre 2016. Rencontrée à Paris, elle m’a précisé que pour rejoindre le PGO, le Bénin devrait agir sur deux volets essentiellement pour être éligible dans l’organisation : “Le Bénin a besoin de 5 points  pour devenir éligible au PGO. Il pourrait obtenir ces points en publiant l’audit annuel du budget de l’Etat (2 points) et en adoptant une loi d’accès à l’information (4 points)”.

En Afrique, les pays anglophones (Nigeria, Ghana, Liberia, Kenya, etc) sont plus représentés en terme d’effectifs. Cependant, on voit arriver de nombreux pays francophones aussi notamment à la faveur de la présidence française du partenariat. Lors du Sommet de Paris, le Burkina Faso a d’ailleurs rejoint le partenariat. La Côte-d’Ivoire, qui était déjà membre, a participé avec une importante délégation gouvernementale. Des pays comme la Guinée et Madagascar ont manifesté leur volonté de le rejoindre également.

A l’heure où le président de la république veut mettre en place de nombreuses réformes politiques pour renforcer la démocratie et l’état de droit, miser sur l’économie numérique pour moderniser la vie publique et créer des emplois, il est important d’intégrer les réformes nécessaires pour moderniser la démocratie en la rendant plus participative et plus citoyenne à travers l’ouverture des données publiques.

A ce titre, il est heureux de constater qu’une proposition de loi rectificative du code de l’information et de la communication a été introduite au parlement par le député Eric Houndété. Ce dernier estime en effet, et à juste titre, que “le droit positif béninois actuellement en vigueur au Bénin n’offre que des possibilités d’accès relativement limités aux informations publiques et a surtout conduit les administrations à généraliser la pratique de documents confidentiels privant ainsi les citoyens de leurs droits d’accès à l’information publique”.

Ce combat, la société civile, à travers l’Association des blogueurs du Bénin et d’autres acteurs de la promotion des données ouvertes le menait depuis quelques mois avec les moyens limités. Des séances d’information et de sensibilisation avaient été organisées à l’occasion du Blogcamp 2016 et de l’OpenCon Cotonou 2016.