Maurice THANTAN

#BringBackOurGirls : pourquoi je participe à la campagne contre Boko-Haram ?

BringBackOurGirl, Photo: See Li, Flickr CC

Le 14 avril 2014, la secte islamiste Boko Haram a enlevé plus de 200 jeunes filles lycéennes nigérianes. Le rapt s’est produit dans la localité de Chibok  dans le nord du Nigéria. Indignés par cet acte stupide, des habitants du pays, avec les mères des filles enlevées organisent une première manifestation pour réclamer le retour de « leurs » filles. Celle-ci a eu un tel écho planétaire que son mot d’ordre et hashtag  « BringBackOurGirls » est devenu un cri de ralliement à travers le monde entier. La campagne a pris une telle ampleur que certaines personnes ont pensé qu’elle était devenue un effet de mode et a été récupérée par des personnalités célèbres pour se donner « bonne conscience à bas coût ». Un avis que je ne partage pas totalement même s’il est, en partie, vrai. C’est pourquoi, loin de toute cette polémique, j’ai décidé aussi de participer à la campagne. Pour des raisons précises bien sûr. En tout cas, deux mois après les premières manifestations, on ne pourra ni dire que je surfe sur la vague, encore moins que c’est pour me donner bonne conscience.
Démarche cathartique plutôt qu’un simple effet de mode
 Il y a deux mois, dès les premiers jours de la campagne #BringBackOurGirls, je n’ai pas hésité à relayer quelques rares messages avec ce hashtag. J’étais à peine surpris quand j’ai reçu des réponses dans le style « Ceux qui enlèvent les filles ne sont pas sur Twitter », « Ce n’est pas ça qui va ramener les filles ». Et puis, il y a ceux qui ont accusé des stars d’avoir récupéré la campagne, et Dieu sait qu’il y a eu de la récupération dans cette affaire. Certes, je ne suis pas sans partager ces avis. Mais je trouve, toutefois qu’il y avait une volonté plus sérieuse. En effet, personnellement, j’étais un peu embarrassé devant l’image de certaines stars brancardant une affiche avec le hashtag #BringBackOurGirls visiblement sans savoir pourquoi elles le faisaient. Mais que dire de tous ces anonymes, indignés par cet enlèvement et qui ont décidé volontairement de s’exprimer publiquement à travers le monde. Moi je n’y trouve qu’une explication : la volonté des gens à faire partie d’une dynamique à travers l’impact des réseaux sociaux. Il y a dix ou vingt ans, un tel enlèvement aurait sans doute indigné autant de personnes à travers le monde, sans qu’elles ne puissent rien y faire. A part regarder la situation évoluer dans un sens ou dans l’autre.  Aujourd’hui, à l’ère des réseaux sociaux, la situation est tout autre. A défaut de disposer de moyens militaires pour aller inquiéter les islamistes, on s’empare de Facebook, Twitter, YouTube pour faire entendre sa voix. Cela donne l’impression de faire partie de la solution ou au minimum de se situer du bon côté du problème. Rien que ça ! Rappelons-nous quand même qu’il a fallu une première manifestation de citoyens à Abuja avant que le gouvernement nigérian ne sorte finalement de son mutisme d’alors. Parce que je suis Béninois… S’il y a une raison supplémentaire pour laquelle je joins ma voix à cette campagne, c’est bien celle-là. Faut-il le rappeler, le Bénin partage une frontière de près de mille kilomètres du Sud au Nord avec le Nigéria. C’est dire que la menace de Boko Haram est tout aussi présente à notre porte et pourrait nous inquiéter à tout moment. Certes, pour le moment, ces islamistes alliés d’Al-Qaida concentrent leurs velléités d’extension vers le Nord-Ouest du Cameroun, mais le jour où ils se dirigeront vers les frontières Nord-Est de mon pays, les populations béninoises ne se sentiront pas plus en sécurité que les Nigérians en ce moment. Cependant, on est conscient que le hashtag #BringBackOurGirls ne va pas ramener les jeunes filles enlevées, pas plus qu’il ne ralentira les ouailles de Boko Haram dans leur sale entreprise. Mais si ça peut aider à opérer un progrès, fut-il mince, pourquoi ne pas l’exploiter.


Bénin/Sécurité : deux policiers tués par des malfrats en un mois

Le samedi dernier, un élément de la Police nationale du Bénin tombait sous les balles des braqueurs à Cotonou. Trois semaines plus tôt, un autre agent de la Police subissait le  même triste sort, toujours à Cotonou. Des événements qui émeuvent toute la population béninoise et nous amènent a soulevé plusieurs interrogations. Quel état actuel de la sécurité intérieure dans notre pays ? La Police nationale a-t-elle les moyens pour faire face à une telle menace?

Photo: news.acotonou.com
Photo: news.acotonou.com

Petit rappel des faits : Le samedi 7 juin 2014, un agent de la Police Nationale du Bénin a été froidement abattu par des malfrats. Ces derniers venaient de braquer une banque située dans la zone commerciale de Ganhi. Alerté par ses paires, le gardien de la paix de deuxième classe (GPx2) Roland Kpadonou, avait reçu pour instruction de bloquer la circulation afin de ralentir la fuite des braqueurs. Les malfrats qui se déplaçaient sur deux motos ont alors essayé de forcer le passage. C’est ainsi que le policier les reconnut et tira sur l’un deux qu’il blessa à la jambe. Mais ils ripostèrent avec des armes automatiques et l’atteignirent mortellement à la tête. Moins d’un mois plus tôt, le 13 mai 2014, un autre braquage de la même ampleur avait eu lieu à Minontin, quartier situé au nord-est de la ville. La cible était une institution de micro-finance. Bilan : un policier tué, des millions emportés par des braqueurs qui courent toujours. Au vue de ces événements malheureux qui suscitent l’émoi et la consternation dans toute la population béninoise, certaines interrogations s’imposent. La première sur la sécurité intérieure de notre pays face à cette apparente circulation d’armes automatiques. On peut également s’interroger sur la capacité réelle de nos forces de l’ordre à faire face à ces genres menaces. Une menace de plus en plus locale Généralement, les attaques du type braquage ou celles dans lesquelles les voleurs utilisent des armes automatiques viennent souvent de l’extérieur. Du Nigéria en occurrence. Pourtant ces deux dernières nous apprennent manifestement une chose : la menace est de plus en plus interne. Ce qui nous amène à penser qu’il existe un certains nombres d’armes à feu en circulation dans notre pays; sans contrôle (évidemment). Comment l’expliquer ? Je ne saurais me lancer dans des spéculations hasardeuses que la déontologie de mon exercice de blogueur ne me pardonnerait. Mais lorsqu’on ajoute à cette apparente circulation d’armes, la facilité qu’ont les malfrats à dégainer sur nos policiers et à faire des victimes dans leur rang avant de se volatiliser dans la nature, nos inquiétudes peuvent être clairement fondées. C’est donc naturellement que l’on arrive à se demander si nos forces de sécurité sont à même de contrer ces menaces.  La police, victime de sa faiblesse « Les malfrats ne peuvent pas être plus organisés que les forces de l’ordre au point de disparaître complètement dans cette petite ville de Cotonou après leurs braquages. Ils ne peuvent pas être plus armés que nos forces de l’ordre. » Il s’agit là de l’une des nombreuses réactions d’indignation de béninois auxquelles je me suis retrouvé face en préparant cet article. En effet, au vue de la situation on peut partager cet avis. D’où la question essentielle de savoir si nos forces de sécurité peuvent faire contrer la menace. A priori, la réponse est oui puisqu’il s’agit de leur boulot, mais les faits semblent nous prouver le contraire. On ne peut pas dire que ce sont les ressources humaines qui manquent à la police. Elle est de loin le seul secteur qui recrute massivement chaque année dans ce pays. Mais les responsables de la police n’ont cessé de dénoncer le manque de moyens matériels et logistiques mais aussi de formation adaptée. Il revient aux autorités chargées de prendre les décisions qui s’imposent de prendre leurs responsabilités Je ne peux pas terminer cet article sans rendre un hommage mérité à ces deux policiers qui sont tombés les armes à la main en défendant ce pays. Tous mes soutiens vont également à leurs familles respectives.  Je voudrais aussi appeler tous mes compatriotes à continuer à encourager et à faire confiance à nos forces de l’ordre qui restent, malgré tout, les seuls garants de notre sécurité nationale.


Entretien avec Daté Barnabé-Akayi, l’une des meilleures plumes de la littérature béninoise

Daté Atavito Barnabé-Akayi, est un écrivain béninois né le 24 septembre 1978 à Kpalimé au Togo. Il est aussi enseignant des collèges et lycées. Après la publication de manuels collectifs de français amorcée en 2007, c’est en 2010 que commence (officiellement) sa carrière d’écrivain. Moins de dix ans plus tard, sa bibliographie est riche d’une quinzaine d’œuvres les unes aussi remarquables que les autres. De fait, son écriture est saluée par la critique et il est adoubé par ses aînés. En effet, depuis ses premiers pas dans la littérature, le public béninois a découvert en lui, et à travers ses écrits, un auteur atypique, un style nouveau et inclassable. Daté Atavito Barnabé-Akayi est un écrivain audacieux, pour ne pas dire engagé.

C’est en tant qu’un de ses anciens élèves qu’il m’a accordé cet entretien qui nous plonge dans son univers. L’auteur nous livre quelques-uns de ses projets d’avenir.

 

Photo: stardubenin.blogspotcom
Photo : stardubenin.blogspotcom

Bonjour, je commence par une question simple, comment êtes-vous venu à la littérature ?

Daté Barnabé-Akayi: 

Par l’exemple.

J’ai vu, enfant, mon père lire et nous recommander la lecture, surtout de la Bible. A l’école, j’aimais lire. Et finalement j’ai pu faire des études de lettres où l’on est abreuvé des questions existentielles ! Après un si long déjeuner littéraire offert par Huannou, Midiohouan, Bogniaho, Médéhouégnon, Kapko…, votre esprit, à votre propre insu est si agréablement constipé que la seule thérapie qui puisse vous sauver, reste l’écriture. On peut dire que je suis venu à la littérature pour déverser le trop-plein de silences, d’ennuis ou de nuits consommés depuis ma tendre enfance.

De l’autre côté, enseignant, il y a que j’aime à montrer à mes apprenants, un peu comme Apollinaire Agbazahou, que l’écrivain n’est nullement extraordinaire. On peut dire également que je suis venu à l’écriture, à la publication par le besoin de servir et de montrer une démythification et une démystification de l’acte d’écrire et de publier. Car, enfant, j’ai souvent pensé que tous les écrivains dont on nous parle sont morts et inaccessibles !

Aviez-vous envisagé d’autres destins que la littérature ? quels étaient vos autres centres d’intérêt ?

D. B-A.:

Bien évidemment !

J’ai toujours rêvé d’être un menuisier au sens propre du terme. A défaut, je suis devenu un menuisier des lettres, celui qui taille de nouvelles polysémies ! La littérature est un grand imprévu dans ma vie. Et quand finalement l’écriture m’a épousé, j’ai toujours rêvé publier à titre posthume, un peu comme Pensées de Blaise Pascal. Ma route a dévié vers la publication sur insistance de mes proches et suite à la nécessité de donner à lire à mes apprenants des réalités actuelles et éternelles.

Je suis quelqu’un qui s’ennuie vite de sorte que j’ai plusieurs divertissements. Et ma grande peur est que l’acte d’écrire ne m’ennuie un jour !

Jusque-là, je sais que vous êtes auteur de recueils de poèmes, de pièces de théâtre et aussi de nouvelles. Qu’appréciez-vous dans ces formes ‘’courtes’’ ?

D. B-A.:

Leur brièveté ! Etre concis a quelque chose de captivant, de direct, d’attachant voire de mémorable et d’immortel! Et à l’heure où tout se mesure au temps, il vaut mieux ne pas perdre le temps au lectorat (ou à l’auditoire) qui n’en a pas. Mais surtout parce que ces genres littéraires n’autorisent guère la digression !

A ce propos, à quand votre premier roman ?

D. B-A.:

J’ai plusieurs manuscrits de roman… Je compte publier mon premier roman vers la fin de cette année 2014 ou début 2015. Ecrire un roman, ce n’est pas difficile, mais il faut veiller aux micro-récits pour éviter les incohérences lors des analepses ou des prolepses qui coupent la linéarité de l’histoire.

Dans Quand « Dieu a faim… », une de vos plus belles pièces, vous abordez la question de l’homosexualité. On sait que le sujet est tabou dans notre société, pourquoi avoir choisi d’aller sur ce terrain ?

D. B-A.:

Pour moi, en littérature, il n’y a pas (et il ne saurait en avoir) de tabous ! Je considère la littérature comme un territoire où, plus que la liberté, défile le monde des impossibles et des incréés. Or, l’homosexualité, excepté les hypocrites qui ferment leur raisonnement, est une réalité africaine et béninoise, bien avant la colonisation ! Et je n’arrive toujours pas à comprendre comment on en vient à dire que c’est une orientation sexuelle importée depuis l’Europe !

Pour moi, à partir de l’instant où un pays accepte la promotion de la démocratie et des droits de l’homme, il doit apprendre à respecter l’individu – à l’inverse de certaines considérations dites traditionnelles, on doit sacraliser l’homme, l’homme vivant ; et non mépriser le vivant en faveur des Morts, des Ancêtres : si les morts doivent empêcher aux vivants d’être heureux, ceux-ci ont le devoir de les tuer, car tuer un mort ne peut pas être un crime ni un meurtre !  En conséquence, on ne doit imposer à qui que ce soit une manière d’être heureux sexuellement à partir de l’instant où il ne fait mal à personne.

Regardez par exemple, ici chez nous, au Bénin, on ne trouve pas si scandaleuses la polygynie ni même l’endogamie. Encore moins le lévirat ou le sororat… Et les hommes d’Etat gèrent mal la nation tandis que le peuple leur renouvelle, avec ou sans fraude, leur mandat.

C’est donc dans cette Afrique souillée par la corruption, la gabegie et la guerre pratiquement légalisées qu’on est intolérants envers l’homosexualité. J’estime que si l’homosexualité est mal (et je me répète : pour moi, l’homosexualité n’est pas mal), alors il y  a pire qu’on ignore, qu’on protège, qu’on normalise, qu’on légalise…

Comment le public a-t-il accueilli la pièce ?

D. B-A.:

Tout de suite, le public m’a pris pour un homosexuel. Surtout quand en septembre 2012, j’ai été invité par l’Association des gays du Bénin au CCF (actuel Institut Français, ndlr.) ou quand l’année passée, j’ai fait un débat sur l’homosexualité sur la chaîneTv Canal 3 Bénin. J’aime quand on se méprend sur ma personne. Mais je ne m’attends pas à mieux dans un pays où le lecteur ou le spectateur de la fiction narrative ou théâtrale est convaincu que la littérature est essentiellement factuelle et non fictionnelle. Il y en a qui pensent que je me suis décidé  dans mes œuvres à choquer et que l’homosexualité n’en est qu’un exemple ; car, pour eux, nul Béninois sérieux ne peut parler de l’homosexualité en des termes si élogieux : c’est une lecture que je respecte. Mais au-delà, Kanlé Clarisse Napporn ou le préfacier Apollinaire Agbazahou et de rares amis tout comme les professeurs d’université l’ont bien accueillie: le Professeur théâtrologue Pierre Médéhouégnon, Chef département des Arts, hormis son article qu’il a produit sur le livre, encadre des étudiants qui s’intéressent à Quand Dieu a faim… dans leurs travaux de mémoire ou de doctorat. Le professeur Mahougnon Kakpo, actuel chef département des Lettres, dans son cours sur La littérature comparée, l’utilise dans son corpus. C’est dire que les avis sont partagés mais il faut faire observer que la majorité reste opaque à de nouvelles idées reçues et enregistrées par le cerveau.

A force d’en discuter, le public verra, comme certains lecteurs de la pièce le reconnaissent déjà, qu’un avocat qui défend un criminel n’en est pas forcément un, encore que dans le cas d’espèce, le crime ne saura jamais être établi au regard des lois protégeant la personne humaine dans toute véritable démocratie. Autre chose : être homosexuel, ce n’est pas exterminer la race humaine, entendu qu’il est des homosexuels désireux d’enfant(s) adoptés ou non, entendu qu’on a le droit de faire le choix de ne jamais procréer…

Vous êtes un écrivain très prolifique, à en juger par le nombre de vos publications qui paraissent chaque année. Comment vous faites pour écrire autant quand on sait que vous êtes aussi enseignant ?

D. B-A.:

Suis-je vraiment prolifique ? Si on compte bien, cela ne fait qu’une quinzaine d’ouvrages… Je fais de l’écriture un objet de divertissement. Peut-être que je cesserai d’écrire quand elle cessera de me divertir…

J’ai remarqué que les personnages de vos œuvres subissent souvent des sorts tragiques. Est-ce un choix délibéré ou il n’y a que les sujets dramatiques qui vous inspirent ? 

D. B-A.:

Il me semble que là vous faites allusion au recueil de nouvelles L’affaire Bissi.

Couverture de "L'Affaire Bissi" de Daté Barnabé-Akayi
Couverture de « L’Affaire Bissi » de Daté Barnabé-Akayi

Que cela soit clair : Je ne crois pas que l’acte d’écrire relève de l’inspiration. Si c’était le cas, je serais toujours sur mon premier ouvrage attendant l’inspiration ! Pour moi, écrire, c’est un acte volontaire. Et toute volonté qui veut se transformer en réalité, en un objet tangible et palpable a besoin de soins et de beaucoup de travail et de persévérance.

Je décide de ce que je veux écrire. Et selon la disposition génétique d’un cerveau qui a filmé toutes ces atrocités de l’humanité, un cerveau comme le mien se laisse facilement séduire par les tragédies existentielles, par ce qui surprend, par ce qui bouleverse, par ce qui rappelle à l’homme qu’il n’est rien dans ce cosmos, rien, rien du tout…mais en même temps, qu’il est tout, c’est-à-dire l’allégresse et la tristesse, le plein et le vide, le jour et la nuit, le bien et le mal, le masculin et le féminin : l’androgynat…

Il n’y a que les sujets tragiques qui me touchent, car mon monde intérieur est inondé de lumières joyeuses, même aveuglantes, que je travaille à rendre plus aveuglantes… et l’extérieur offre à mon dedans ce qu’il n’a pas : l’obscurité existentielle.

Je voudrais, après Nietzsche in La naissance de la tragédie, confier au lectorat que notre existence est tragique. Et pour s’en sortir, il serait souhaitable de l’accepter, de le positiver,  et de vivre en ayant à l’esprit que les épines de la vie s’éclosent au rythme de notre rapport avec nous-mêmes et surtout avec la mort qui demeure un mystère quoi que soutiennent les thanatopracteurs ou les médecins légistes.

 

Comme je le disais plus haut, vous êtes également enseignant. Ces derniers mois, le secteur éducatif béninois a été paralysé par de nombreuses grèves. Que pensez-vous de tous ces mouvements de débrayage ?

D. B-A.:

Il y a que je vis dans un pays où le système éducatif est cancéreux. J’avais parlé quelque part de leucémie. Soyons sérieux : dites-moi le pays qui s’est développé en méprisant son système éducatif ! C’est vrai que le Bénin est un pays à économie dominée, mais il me semble que le cerveau des Béninois est toujours fertile et autonome. Personne ne souhaite les grèves ! Pas même les syndicalistes. Cependant, les conditions de travail et de vie (pléthore des classes, manque de salles de classes et d’enseignants, absence de bibliothèques et de laboratoires, manque ou absence d’infrastructures sportives et/ou culturelles, problèmes de formations et de salaires inadéquats…) des enseignants sont telles que visiblement sans grève, rien de sérieux ne se promet ni ne s’obtient. Mon rêve est que le corps syndical rêve d’une stratégie de grève sans trop léser les apprenants, sans trop abîmer leur cerveau et les générations futures car, nous autres enseignants avons un programme à administrer selon un calendrier officiel. Et les grèves perlées amorcées un peu avant 1990 ne garantissent pas une formation enviable, solide et infaillible. Il est inutile d’adresser des vœux à l’endroit du pouvoir politique qui se plait à politiser à outrance le système éducatif au mépris des instructions des techniciens, des inspecteurs et des docteurs en éducation.

Daté Barnabé-Akayi Photo: DR
Daté Barnabé-Akayi Photo: DR

On entend dire très souvent dans l’opinion publique que depuis l’époque des Jean Pliya, Olympe Bhêly-Quénum, le Bénin n’a plus connu de grands écrivains. Vous qui êtes dans le milieu, le pensez-vous également ?

D. B-A.:

Il n’y a aucun doute : Pliya et Bhêly-Quenum sont de grands écrivains. Mais delà, soutenir qu’il n’y en a plus de grands, c’est reconnaître à la face du monde qu’on n’a pas lu José Pliya, Camille Amouro, Jérôme Nouhouaï, Habib Dakpogan, Arnold Sènou, OkriTossou, Florent Couao-Zotti (Prix Ahmadou Kourouma 2010), …

En fait, ce que je pense c’est que les gens parlent de Jean Pliya et d’Olympe Bhêly-Quénum parce qu’ils se trouvent être étudiés dans les classes du secondaire, donc probablement lus par plus d’un million de Béninois. Jean Pliya déjà présent au primaire, est officiellement lu en cinquième jusqu’à l’année passée, toujours en quatrième et en terminale cette année 2014; et Olympe Bhêly-Quénum en première jusqu’à ce qu’il ne soit remplacé par Florent Couao-Zotti cette année scolaire 2013-2014. Apollinaire Agbazahou étudié depuis 2012-2013 en seconde n’est pas une plume à mépriser. Et après les poètes comme Paulin Joachim, Fernando d’Almeida, Jérôme Carlos, NouréiniTidjani-Serpos, ceux de l’anthologie d’Adrien Huannou, il y a de nouveaux poètes avec les anthologies de Mahougnon Kakpo que j’ai étudié dans mon essai intitulé Lire cinq poètes béninois qui sont à citer, avec fierté. De même que Basile Dagbéto, François Aurore, Louis-Mesmin Glèlè, Florent Eustache Hessou… !

Ceux qui estiment que la littérature béninoise s’arrête à l’époque des Jean Pliya ou Olympe Bhêly-Quénum, s’ils sont sincères, le disent soit par nostalgie, soit par ignorance, soit par méprise du dynamisme de l’esthétique.

Vous avez fait des études de psychologie, quelle influence ont-elles sur votre manière d’écrire et la manière de composer vos personnages ?

D. B-A.:

Je n’ai pas fini mes études de psychologie. Disons que je les ai à peine amorcées, il y a environ dix ans. Mais j’aimais lire les essais philosophiques, psychologiques, psychanalytiques voire mystico-religieux : octobre 2013 par exemple, quand je quittai Montréal pour Paris, je suis fortuitement tombé sur un livre de Gérald Messadié (connu beaucoup plus avec le titre L’homme qui devint Dieu) intitulé Contradictions et invraisemblables dans la bible, que j’ai acheté pour un ami qui aime la spiritualité, et lu. Je veux dire : j’aimais et aime lire les ouvrages qui traitent de l’immatériel, de la psychè, de la force insondable qui nage en nous. Et j’en vêts les caractères de mes personnages ou ma fiction poétique.

Vous travaillez sans doute actuellement sur un prochain livre… A quoi doit-on s’attendre ?

D. B-A.:

J’ai toujours plusieurs livres en chantier, quatre ou cinq à la fois jusqu’à ce que je décide de l’ordre de leur sortie.

Je vous parle de ma prochaine œuvre poétique : Tes lèvres où j’ai passé la nuit. (Imonlè158).

C’est un poème-anadiplose présenté sous forme d’une chaîne fragmentée d’amour. C’est préfacé par le poète-universitaire camerounais d’origine béninoise Fernando d’Almeida que je cite :

« Ce poète n’écrit guère en martelant la page blanche de mots avides d’exorcismes divers. Il parle comme s’il allait à un rendez-vous d’amour avec le réel qu’il nous fait comprendre aussi bien par le cœur que par la pensée. Ainsi plongé tour à tour dans l’effervescence du réel et la spontanéité d’imagination, Daté réduit sa poésie à la giration du profond et de la surface. Il reconstruit ce qui s’offre à lui dans la symbolique du regard. »

 En avant-propos, j’ai rappelé ma conception de la poésie et du déshabillé en exhortant le lectorat au dépistage de l’hépatite et autres précautions sanitaires à prendre, car en matière d’IST ou MST, on ne parle souvent que du sida !


Bons souvenirs de la formation Mondoblog à Grand-Bassam

Il y a quinze jours s’achevait à Grand-Bassam en Côte d’Ivoire la formation annuelle des blogueurs de la plateforme Mondoblog. En effet, du 02 mai au 12 mai 2014, la famille Mondoblog s’est réunie au grand complet (enfin, on a gardé les meilleurs) au pays des éléphants pour partager des connaissances, apprendre de nouvelles choses et pour prendre des initiatives en commun. Une dizaine de jours intense, au cours de laquelle les blogueurs se sont découvert et se sont familiarisé. Deux semaines plus tard, les souvenirs sont toujours là dans ma tête, et je n’avais guerre l’intention de les garder pour moi tout seul.

Photo: Philippe Couve
Photo: Philippe Couve

Mondoblogueurs : portraits croisés

« On nous appelle les moutons noirs. Des hors la loi du journalisme. Des exaltés, des excités, des énervés permanents ; Des agités. Nous ne sommes pas des agités, nous sommes engagés (…), passionnés (…), indignés. »

C’est Chantal Faida et Jean-Robert qui peignaient ainsi avec leurs mots, le ‘’portrait’’ du (mondo)blogueur. Mais au-delà de la caricature, il est plus difficile de se faire une idée juste et exacte de qui peut se cacher derrière chaque mondoblogueur. Ce n’est pas facile en effet de s’imaginer un prototype du mondoblogueur. Et lorsqu’on les rencontre finalement on se rend à l’évidence des différences et la surprise peut être vraiment grande.

Pour moi, et à l’aune de ce que j’ai vu à Grand-Bassam, je dirais que le mondoblogueur, c’est ce jeune homme ou cette jeune fille d’une cinquante d’année qui vit à l’autre bout du monde (ou pas). Ça va du ‘’très jeune’’ au ‘’très vieux’’. Je ne parle même pas des différences de couleurs et de cultures

C’est ainsi que personnellement, je retiens pêle-mêle :

–          Jean-Robert : le « sage » de la bande. Un peu philosophe, Villeurbanne dans le cœur et surtout quelque chose à vous apprendre (il suffit de lire sur son t-shirt). Une personne sympathique en tout cas. J-R, si tu viens au Niger, n’oublies pas de passer à Cotonou, c’est à côté!

–          Daye, notre Obama 2.0, celui que moi je surnomme  l’homme qui parle plus vite que son ombre, ou le contraire, c’est selon. « Moi, je suis guinéen à l’origine », si son accent québécois trompe souvent sur ses origines, ce digne Diallo reste bien attaché à sa Guinée natale.

–          Guénolé ou le sefie-man, discret mais très drôle aussi. Un copain. Quand on l’entend parler de sa ville,Tuléar, ça donne bien envie de prendre la route. Mais je reste toujours réservé devant les 24 heures de taxi-brousse entre Antananarivo et le fameux endroit.

Et comment oublier Marine, ma belle-sœur, (comprendra qui pourra) et le ‘’petit’’ James Billy Raymond ? Ce frère haïtien, je ne sais pas combien de fois il a dû scander mon nom dans les allées du Tereso avant la fin des dix jours de formation. Et puis tous les autres que je n’oublie pas et qui se reconnaissent sans doute.

Au-delà des personnes, les bons souvenirs, c’est aussi les bons moments de la formation ou en dehors.

Petits moments de bonheur

Free Jumping Photo: Raphaëlle Constant
Free Jumping Photo: Raphaëlle Constant

Au cours de la formation, j’ai gardé le meilleur des présentations de Pierre Romera qui nous a appris des notions de bases du data-journalisme. Je n’oublierai pas non plus les bonnes astuces de Grégoire Pouget et de Jean-Marc de Reporters sans Frontières, notamment l’utilisation de Tor et de TrueCrypt. Des applications dont on se sert déjà, une fois rentrer chez nous.

L’autre souvenir, cette fois en dehors des lieux de la formation, c’est cette virée dans la nuit bassamoise avec Serge, Yannick, Pascaline, Ulrich, Zacharie, J-M, Télyson… et j’oublie le reste. De l’ambiance feutrée et « bourgeoise » du No Limit à la chaleur moite des crasseux maquis et karaokés d’en face, on aura fait le tour. Et si « Abidjan ne ment pas », Bassam non plus.

Et qui a bien pu oublier cette fameuse antilope qui a eu le courage d’ajouter vingt-quatre heures supplémentaires aux seize heures de vol de Stéphane pour rejoindre son Katmandou adoptif ? Le rire ultime !

 

Selfie "Guénolé, Danielle et moi"
Selfie « Guénolé, Danielle et moi »

Le bon souvenir, c’est aussi cette soirée de culture générale (Mondogénies) pendant laquelle les mondoblogueurs se sont livrés à une partie de génies en herbe. Je ne vais pas rappeler ici, la plus grosse perdante de cette pour ne pas m’attirer les foudres invisibles d’Awa Traoré, fervente défenseure de l’Afrique de l’Ouest. Une partie que j’ai eu le plaisir de préparer et d’animer aux côtés de l’autre ’’brésilien’’ de la bande, Mareck Abi aka Yesssssaaaaaaï.

Et voilà, Yessssaï !