Maurice THANTAN

Bénin : une statue géante du Président a suscité l’indignation sur les réseaux sociaux

C’est arrivé lundi (de pâques) 6 avril 2015. En plein coeur de Cotonou, sur l’un des carrefours les plus empruntés de la ville, une statue géante de Boni Yayi, le Président de la République du Bénin est dressée. Habitués aux géants posters du Président de la République qui dominent les grands carrefours du pays, les Béninois se sont pourtant remontés contre cette ultime tentative des partisans de Boni Yayi. C’est un peu comme la goutte d’eau qui a fait débordé le vase dans un pays où l’omniprésence, l’hypermédiatisation et le culte de personnalité du Chef de l’Etat ont atteint des proportions célestes.

C’est d’abord sur Facebook que la grogne a commencé par monter comme en témoigne les captures d’écran qui suivent. De ceux qui se demandent quel est l’intérêt d’une telle initiative à ceux qui comparent cette « horreur » à un attentat à l’esthétique de la ville de Cotonou, les Béninois sont partagés entre colère, indignation et consternation.

 

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Sur Twitter, l’indignation est la même. Les twittos se posent également des questions.

https://twitter.com/afr0steph/status/585212496312721409

 

Mais la critique la plus intéressante que j’ai pu avoir est à l’actif d’un journaliste connu pour ses commentaires réguliers sur l’actualité politique nationale. Voici son analyse que vous pouvez retrouver sur son compte Facebook :

Acte de laideur.

Ce matin, j’ai prié Dieu, un peu plus sérieusement que d’habitude. Je l’ai remercié pour avoir envoyé son fils unique sur terre nous purifier de nos souillures.

Je l’ai ensuite remercié encore plus intensément pour m’avoir gardé chez moi ce lundi de Pâques. Si je devais sortir, ce serait à coup sûr pour me rendre sur mon lieu de travail et je serais inévitablement tombé sur ce machin (Voir photo ci-dessous piquée sur le mur de Aboubakar Takou) qui a surplombé le carrefour « Bon Pasteur » quelques instants avant d’être démonté. Il faut en savoir gré à ceux qui ont eu la bonne idée de capter ce grand moment de décadence au coeur de la métropole béninoise. La postérité en jugera.

Ainsi donc, les propagandistes du régime, résolument engagés à mettre leur intelligence au service exclusif de leur ventre quitte à en perdre la raison, veulent passer à une autre étape, un cran plus loin dans la trivialité. Le grand affichage à la gloire du père refondateur ne suffit plus, il faut maintenant des statues géantes à son effigie. On commence d’abord avec des matériaux précaires, à l’image de l’horreur qui nous a été exposée hier, puis on finit en matériaux définitifs au cas où il n’y aurait pas de tollé? Cela ne m’étonnerait pas qu’ils y aient pensé, vu que nous avons bu chacune de leurs conneries jusque-là sans grands remous. Lorsqu’on a atteint un tel niveau de déchéance, les portes sont ouvertes à toutes les bêtises.

Si leur coup d’hier était un ballon d’essai, il me semble qu’il a été très tôt dégonflé. Puisse le prochain qu’ils lanceront, leur explose en pleine figure!

Très rapidement, à la mesure où le mécontentement grandissait sur les réseaux et sur les radios locales, la statue a été enlevée. Pour une fois, la grogne a fait plier les « propagandistes du régime » qui ont pris l’habitude d’user de tous les moyens, même les plus inimaginables pour séduire leur « héros ».


Facebook : nouveau champ de bataille des politiciens béninois

Il y a un peu plus d’un an, sur ce même blog, alors que je commençais mes premiers pas sur Mondoblog, j’avais écrit un billet sur l’utilisation que les hommes politiques et l’administration publique béninois faisaient (ou pas) des réseaux sociaux. A l’occasion, je dénonçais l’absence des autorités politico-administratives béninoises sur ces plateformes. En 2015, le constat est tout autre. Si l’administration publique peine toujours à se mettre à la page (hormis de timides tentatives peu maîtrisées ici et là), les hommes politiques ont pris d’assaut les réseaux sociaux (Facebook surtout), notamment en cette veille de joutes électorales.  En fait, 2015 et 2016 sont deux années importantes pour le Bénin sur le plan électoral. La première connaîtra le renouvellement du mandat des députés puis celui des maires. Les élections législatives sont fixées au 26 avril. Le dépôt des candidatures est à peine clos, mais la campagne bat déjà son plein sur la Toile. Par ailleurs, en 2016, le président de la République, Boni Yayi, arrive au terme de son deuxième mandat constitutionnel. Il devra céder le fauteuil présidentiel de la Marina à un nouveau locataire. La bataille de sa succession est aussi ouverte depuis plusieurs mois.

Les équipes de campagne des potentiels candidats, désormais conscientes de la capacité de mobilisation et de l’importance des réseaux sociaux ont donc décidé d’envahir le réseau de Mark Zuckerberg surtout. C’est à coup de pages et publications sponsorisées, mais aussi de hashtags accrocheurs (voire racoleurs) que les politiciens s’affrontent sur Facebook. De #Croyonsennous à #lajeunesseestlasolution en passant par #Nimo2015 ou encore ‪#‎EnsembleNousSommesLaSolution‬, la diversité des hashtags qui s’affrontent donne un aperçu de l’ampleur du phénomène. Impossible de se connecter sur le réseau social sans croiser l’une de leurs nombreuses publications. Les politiciens misent également sur leur image. C’est ainsi que vous allez vous retrouvez devant des images « photoshopées » à l’extrême juste pour donner une certaine impression de jeunesse et de vitalité aux hommes qui pour la plupart ont dépassé la cinquantaine.

L’objectif visé est clairement affiché : séduire la jeunesse ultra connectée, mais de plus en plus consciente et exigeante vis-à-vis de la politique. Une jeunesse surtout réticente par rapport aux promesses politiques creuses et pour la plupart irréalisables. Cette jeunesse, elle a fait de Facebook son exutoire politique faute d’avoir une vitrine pour s’exprimer. Dans les nombreux groupes de discussion politiques qui pullulent sur le réseau, chacun y va de son commentaire, de son analyse et de ses ambitions. Dans ces groupes, des leaders d’opinion émergent. Des opposants se font remarquer. Et c’est là que les politiciens vont pêcher.

 

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Sur Facebook, la concurrence est rude

Dans ce contexte, on voit affronter plusieurs types de politiciens. Évidemment il serait impossible d’établir ici leur typologie complète. Je ne citerai pas non plus le nom d’untel ou d’un autre. Cependant, on retrouve les acteurs déjà en fonction qui communiquent énormément sur leurs activités. La moindre mission à l’intérieur du pays, le moindre voyage à l’extérieur,  la signature d’un accord ou l’organisation d’un séminaire est fortement relayée sur Facebook a coups de publications sponsorisées. Parfois, on pense même qu’ils abusent. Il y a également ceux qui n’ont pas encore de mandats. Ceux là s’illustrent plutôt à travers leurs initiatives personnelles. Lorsque l’un des prétendants à la présidence pose fièrement aux côtés d’un jeune béninois qui a réalisé une performance exceptionnelle comme Carlos Bossouvi, il ajoute à sa photo ces quelques lignes : « C’est à cette jeunesse que je pense dans tous mes projets et mes déplacements, celle qui se lève pour relever les défis de notre pays ». Ils profitent de toutes les occasions pour s’exprimer. Journées internationales, fêtes religieuses, Saint Valentin, toutes les occasions sont bonnes à saisir.

D’un autre point, il y a ceux qui ont abordé la démarche dans sa globalité, c’est-à-dire qu’ils s’assurent une présence sur quasiment toutes les plateformes les plus importantes, hashtags et initiatives ultra branchées à l’appui. Puis il y a certain qui ne voient pas plus loin que Facebook (et Dieu sait qu’ils peuvent avoir raison -chez nous les réseaux sociaux se limitent trop souvent à celui-là seul-). Et d’un autre point de vue encore, il y a ceux qui passent leur temps à critiquer la politique du gouvernement actuel. C’est vrai qu’en cette fin de mandat, le « Yayi bashing » a le vent en poupe. Même ceux qui ont été biberonnés au régime du changement puis de la refondation ces dix dernières années se plaisent à critiquer le gouvernement qui les a fait émerger. Mais ça, c’est encore une autre affaire.

Une jeunesse méfiante et aux aguets

Si les hommes politiques font peu à peu leur nid sur les réseaux sociaux à la conquête d’un électorat relativement jeune, ils ne manquent pas de faire face aux exigences et aux défis que leur impose ce monde plutôt à part. De ce fait, sur les réseaux sociaux, les hommes politiques doivent faire preuve de rigueur et de sérieux pour ne pas tomber dans le ridicule. La parole étant libre sur ces plateformes. Je me rappelle encore de ce militaire à la retraite qui serait candidat aux présidentielles, mais qui a essuyé de nombreuses critiques dès ses premières apparitions sur Facebook. C’est vrai qu’entre ses slogans aux origines douteuses aux fautes d’orthographe et de grammaire contenues dans ses messages eux- mêmes incohérents, il avait du mal à convaincre. Les internautes n’ont pas manqué de le repérer et de le lui signifier, indépendamment des sentiments politiques des uns et des autres.

Et puis, contrairement aux masses populaires des zones rurales qui gobent facilement à longueur de journée les discours des hommes politiques, les jeunes béninois (ceux pour qui Internet n’est vraiment pas un luxe) qui traînent sur Facebook et Twitter ont un certain esprit critique bien affûté (pas tous, c’est vrai, mais une bonne partie quand même). Voici l’extrait d’un billet de blog écrit par un jeune béninois qui vit en Belgique.

Les réseaux sociaux ne sont pas en reste, cette couverture médiatique subite des différents candidats sur la toile en dit long. Parmi eux, il y en a qui du jour au lendemain se sont découvert des talents de donateurs à travers des structures créées spécialement pour l’occasion et dont on entendra plus parler une fois les élections finies. Il y a aussi ceux-là qui font semblant d’être proches de cette jeunesse-là à travers des statuts ou des publications à dormir debout. Il y a aussi ces jeunes-là qui pour un billet bleu sont prêts à relayer ces inepties sur les réseaux dans le but de dynamiser l’image de leurs soi-disant challengers.

C’est le même esprit qui caractérise cette publication (voir ci-dessous) d’un autre jeune qui semble s’étonner de l’intérêt que les politiciens ont commencé soudainement à accorder aux réseaux sociaux. Il ne manque pas de les prévenir d’ailleurs.

En définitive, les politiciens béninois ont bien pris leur quartier sur les réseaux sociaux. Indubitablement, comme dans d’autres pays avant le Bénin, une bonne partie de la campagne des prochaines élections notamment les présidentielles va se jouer sur Facebook, Twitter ou encore Google+. Et à mon avis, on peut y voir deux intérêts. D’abord, les prétendants à certains postes de responsabilité sont facilement accessibles. On peut s’adresser à eux frontalement et publiquement. Souvent, ils réagissent. Transparence et crédibilité obligent. D’autre part je présume que ça ferait de l’emploi pour des jeunes. J’imagine que pour assurer leur présence en ligne, les hommes politiques doivent recourir aux services de jeunes gens (comunity managers comme on les appelle) qui maîtrisent ces outils.


Nuit poétique : quand le « Printemps des poètes » s’installe à Cotonou

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La première édition de la Nuit poétique a eu lieu à Cotonou ce vendredi 6 mars 2015

Conférences, ateliers, jeux-concours, expositions, vont se succéder tout ce mois à l’Institut français du Bénin. Dédié à la Francophonie, le mois de mars est le moment de célébrer la langue française. C’est donc à juste titre que l’Institut français a concocté un programme spécial pour l’occasion.

L’événement organisé par un collectif de jeunes auteurs s’inspire du Printemps des poètes célébré en France et à Québec. Ce 6 mars 2015, les poètes ont donc pris d’assaut le lieu. Manipulateurs et fantaisistes des mots, ils ont donné libre cours à leur art, parfois dans une mise en scène théâtrale. Cette manifestation a toutefois débuté par un hommage au professeur béninois Fernando d’Almeida, poète émérite décédé deux semaines plus tôt à Yaoundé au Cameroun où il enseignait à l’université.

Puis, ce fut au tour du professeur Marc Aurèle Afoutou de donner le coup d’envoi de la manifestation devant un public enthousiaste composé de nombreux enseignants universitaires que le genre poétique n’attire que très rarement. L’enseignant n’a pas manqué d’adresser une pique aux parents d’élèves qui n’incitent pas lycéens et collégiens à s’intéresser à la chose littéraire. Il aurait souhaité les voir davantage dans le public. Pendant trois heures, c’était la fête des mots, enfin, du verbe.

Cette sorte de danse des mots « grand public » qu’était la « Nuit poétique » a fait de la place également aux artistes et surtout aux musiciens qui accompagnaient tous les poètes dans leur lecture de texte. Le tout dans une improvisation réussie. Toute la soirée ne fut que déclamations poétiques, slams, rythmes et verbes.

Afrique, femme et politique au menu

Comme dans les classiques de la poésie africaine, les grandes thématiques du continent ont été abordées. Tel texte rendait hommage àThomas Sankara ou à Patrick Lumumba. Kwameh Nkrumah, Jomo Kenyatta, ardents défenseurs du panafricanisme. Nelson Mandela a lui aussi été célébré.

Et en cette veille du 8 mars, la femme était à l’honneur. Mère, amante, fille, fiancée, battante, courageuse, homosexuelle, etc. , elle a été superbement célébrée. La « Nuit poétique » n’était pas exclusivement réservée aux poètes béninois. Des auteurs venus de France ont aussi participé à cette rencontre.

La politique s’était aussi invitée au spectacle à travers les mots. Entre métaphores animalières et habiles jeux de mots, poètes et slameurs nous ont renvoyé toute la soirée des images d’une jungle ou d’une République curieusement très proche de la nôtre. Pour sa première édition, on peut dire que le « Printemps des poètes » a réussi son coup d’essai.

 Retrouvez ici quelques poèmes dits lors de la soirée

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Classement mondial de la liberté de la presse 2015 : comment le Bénin a perdu 9 places

Le Bénin perd 9 places dans le classement mondial 2015 de la liberté de la presse de RSF
Capture d’écran : Le Bénin perd 9 places dans le classement mondial 2015 de la liberté de la presse de RSF

L’organisation internationale Reporters sans frontières (RSF) a publié ce jeudi 12 février 2015, son classement mondial annuel sur la liberté de la presse. A la 75e place l’an dernier, le Bénin chute à la 84e perdant ainsi 9 places. De manière globale, on note dans ce nouveau classement une régression de la liberté de la presse partout dans le monde. Par rapport à 2014, bien évidemment. Cependant, certains pays sont restés bien à leurs postes. Habitués du haut du classement, trois pays nordiques tiennent ainsi le podium de cette année : Finlande, Norvège, Danemark. En bas du tableau, on retrouve également d’autres habitués de la position. C’est donc le Turkménistan, la Corée du Nord et l’Erythrée qui ferment la marche. En Afrique, suivant la tendance mondiale, de rares pays ont vu leurs indices s’améliorer. On notera cependant la bonne performance de la Côte-d’Ivoire et de la Tunisie (pays qui sortent de la crise), alors que la Libye et le Congo plongent. 

Comment le Bénin a (probablement) perdu 9 places ?

C’est une rechute pour le Bénin. Depuis quelques années, le pays s’est plutôt très bien illustré dans les classements successifs de Reporters sans frontières. Après avoir progressé de 12 places en 2012 et de 4 rangs en 2013, le pays a occupé en 2014 le 16e rang africain et le75e rang mondial dans le classement de RSF. Cette année, il retombe à la 84e place mondiale et se classe au 19e rang africain. Derrière des pays comme le Sénégal et le Togo, respectivement 71e et 80e au classement mondial. Si la chute du Bénin est surprenante, elle s’explique pourtant. A ce propos, on peut retenir deux faits marquants. Il y a d’abord l’affaire Ozias Sounouvou. Ce journaliste de la télévision nationale avait profité de la présentation du JT de 23 h 30 du 12 janvier 2015 pour lancer un cri de coeur au sujet de la liberté de la presse sur les médias de service public. Il avait demandé au président de la République « d’ouvrir les antennes de l’ORTB pour des débats contradictoires » alors que ce dernier venait de participer à la marche républicaine à Paris suite à l’attentat de Charlie Hebdo. Une initiative qui n’a pas été suivie des réactions attendues par les autorités. Le journaliste et quelques uns de ses collègues auraient même été sanctionnés selon un article publié sur le site de RSF ce mercredi 11 février 2015, soit la veille de la publication du rapport. L’article fait également état des condamnations infligées aux journalistes John Akintola de L’Indépendant et François Yovo de Libération en 2014.

Le 16 octobre 2014, les télévisions privées Golfe télévisions et TV Carrefour ont été suspendues pour non- renouvellement de leur convention avec la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC). Bien que la suspension des deux chaînes de télé ait été levée depuis avant que leur situation ne soit réglée définitivement ce mercredi 11 février 2015 par la signature de nouvelles conventions, l’écran noir ne renvoie pas une image particulièrement heureuse de la situation des médias.
Dans une moindre mesure, l’on peut ajouter le vote du nouveau code de l’information et de la communication. Si le code comporte de nombreuses avancées en matière de liberté pour les journalistes béninois, il conserve cependant les peines privatives de liberté dans certains cas.

>> Découvrez le classement mondial de Reporters sans frontières :