Maurice THANTAN

Merci Angélique Kidjo de m’avoir rendu cette fierté d’être béninois

 

Angélique Kidjo avec son deuxième Grammy Award, dimanche 8 février 2015
Angélique Kidjo avec son deuxième Grammy Award, dimanche 8 février 2015

Il y a une semaine, mercredi 4 février 2015, j’étais avec mon ex-professeur de littérature. Pour ce qui lisent régulièrement mon blog, vous devez le connaitre. C’est celui-là qui m’avait accordé une interview sur ce blog à propos de ses ouvrages. Justement en parlant de lui et des ses oeuvres, il sort son nouveau premier roman le samedi prochain, 14 février 2015, jour de la Saint Valentin. Le titre de l’ouvrage : « Errance chenille de mon coeur ». Le rapport avec la date ? Ne me demandez pas. J’ai eu l’occasion et l’immense privilège de lire le roman en avant première. Pour cette chance, je redige un article sur le sujet qui arrivera juste après la sortie officielle du livre.

Bref, revenons à nos moutons. Donc ce jour mon professeur m’a raconté une anecdote des plus édifiants sur la situation de nous autres béninois. A 10 ans, le jeune garçon qu’il était en vacances chez son pasteur de père au Nigeria. C’est alors qu’un de ses nouveaux amis de circonstance lui demandait (en anglais bien sûr) d’où il venait. En version originale c’est : Where are you from ? Il répondit aussitôt dans l’anglais approximatif que pouvait sortir un jeune élève de son âge à peine flanqué du diplôme de cep et qui vient de recevoir ses premiers cours d’anglais en classe de sixième : I’m from Benin. Le mec en face s’étonna, et lui répliqua logiquement : « You are from Benin and you speak Franch like that ? » En fait le Nigerian ne concevait pas un de ses compatriotes puissent rouler à ce point la langue de Molière au point où le fesait mon prof à l’époque. Lui même ne comprit pas la réaction de son ami. C’est bien des années plus tard qu’il se rendit compte que son interlocuteur l’avait pris pour un ressortissant de Benin City une ville bien connue au Nigeria.

Cette petite anecdote pour vous expliquer comment les Béninois (et bien d’autres Africains d’ailleurs, mais je parle pour moi) peuvent être parfois peu connus ailleurs dans le monde.
Des années après ce que je peux appeler la mésaventure de mon prof, j’étais dimanche dernier devant ma télévision regardant la finale de la Coupe d’Afrique des nations de football. Evidemment, le Bénin n’avait même pas pris part à la compétititon pour espérer atteindre ce stade. Alors comme tous mes compatriotes j’étais là soumis au choix cornélien de soutenir soit le Ghana ou la Côte d’Ivoire. Deux équipes que j’avais supportées jusqu’à ce stade de la compétition. Si seulement le Bénin avait pu se hisser en finale, le choix aurait été plus facile pour moi. Heureusement quasiment au même moment, j’apprends que Angélique Kidjo ma compatriote, notre porte flambeau national remportait son deuxième Grammy aux Etats-Unis pour nouvel album « Eve » dédié aux femmes d’Afrique. Le premier Grammy, elle l’avait obtenu en 2007 pour l’album « Djin-Djin ». Les deux Grammys sont obtenus dans la catégorie Musique du monde. Quelle fierté ! Avec ce prix, combien de personnes vont pouvoir situer le Bénin sur une carte d’Afrique ?
Du coup, ce lundi matin, quand je vis la presse internationale et les journaux faire l’éloge d’Angélique Kidjo avec son deuxième Grammy, ma fierté d’être béninois monta à un certain degré. Et Angélique Kidjo n’est pas là à son premier coup. Récemment, elle a été classée parmi les 50 femmes les plus puissantes d’Afrique (Jeune Afrique) avec une autre compatriote, en la personne de l’ancienne garde des sceaux et ancienne ministre de la microfinance, Reckya Madougou. Une autre amazone qui fait la fierté de la #Team229. Ainsi, le lundi matin quand les Ivoiriens exprimaient leur joie dans les rues d’Abidjan pour avoir remporté la CAN 2015, moi aussi, dans mon coin, j’avais de quoi me rejouir en tant que Béninois. Ben voilà, il y a pas que les Ivoiriens qui célèbrent une victoire en ce mois de février. Nous aussi, on sait gagner des Grammy.
PS : Cet article m’a été un peu inspiré entre autres par « Cinq raisons de visiter le Bénin ». Billet écrit par un certain Morufux, blogueur béninois qui ne manque pas de talents. Un peu de chauvinisme de temps à autre, n’a jamais fait du mal à quelqu’un.


Bénin : les journalistes risquent toujours la prison

Dans le code l'information et de la communication votée par l'Assemblée, les journalistes peuvent toujours être emprisonnés pour des délits de presse.
Dans le code l’information et de la communication votée par l’Assemblée, les journalistes peuvent toujours être emprisonnés pour des délits de presse.

Le  jeudi 22 janvier 2015 était un grand jour pour les journalistes béninois. Après trois jours d’examen, les députés ont voté la loi portant code de l’information et de la communication en République du Bénin. Pour les hommes de la presse et des médias, cela signifie la fin d’un vide juridique et une meilleure organisation du secteur. En effet, le code qui vient d’être adopté apporte de nombreuses innovations dans le domaine. Par exemple, il y est clairement défini les critères pour être un journaliste au Bénin.

Article 20 du code :

« Est journaliste : tout titulaire d’un diplôme professionnel de journalisme délivré par une école ou un institut de formation en journalisme régulièrement agréé par l’Etat et justifiant d’une formation par la pratique pendant au moins deux ans ; tout titulaire d’au moins d’un diplôme de l’enseignement supérieur ou d’un diplôme équivalent et justifiant d’une formation par la pratique pendant au moins deux ans ; toute personne qui exerce l’activité de journalisme dans une entreprise de presse, soit pour le compte d’autrui, soit pour son propre compte ou toute personne qui a pour occupation principale la recherche, la collecte, la sélection, l’exploitation, la présentation d’information et en tire sa principale source de revenus ; toute personne qui exerce en qualité de correspondant de presse ou d’envoyé spécial d’un organe radiophonique ou audiovisuel étranger. La qualité de journaliste est attestée et constatée par la détention d’une carte de journaliste. Toutefois, les correspondants de presse ou les envoyés spéciaux se doivent en plus de leur carte de journaliste, de recevoir l’accréditation de la HAAC* ».

Outre cette précision importante, le texte prévoit également la création d’un « Fonds d’aide au développement des médias », organe chargé de gérer l’aide de l’Etat à la presse et aux médias communautaires. On annonce également un bureau de vérification de la publicité dont la mission est de faire appliquer les dispositions légales dans ce domaine, mais aussi en ce qui concerne le parrainage des émissions.

Lire aussi : Boni Yayi invité à être « Charlie » pour les journalistes béninois

Les  journalistes restent sous la menace de peines privatives de liberté

Malgré toutes ces innovations, ce n’est pas pour autant la fin du calvaire pour les journalistes béninois. Certes les députés ont fait des avancées en supprimant quelques peines privatives de liberté, mais certaines sont toujours maintenues. Et c’est là où le bât blesse. Dans le code voté, ces peines sont supprimées et remplacées par des peines
d’amende seulement en ce qui concerne les délits d’opinion et les délits contre les personnes. Mais elles sont maintenues pour la provocation aux crimes et les délits contre la chose publique. Pourquoi  n’avoir fait le travail qu’à moitié, alors que les journalistes ont toujours milité pour réclamer la suppression totale de ces peines d’emprisonnement ? Les journalistes demeurent toujours donc sous la menace de la prison, même si celle-ci est un peu plus allégée désormais.

Rappelons que le 26 juin 2014, Reporters sans frontières avait publié un communiqué dans lequel l’organisation de défense des journalistes disait s’inquiéter de « la dégradation de la liberté d’information au Bénin ». Le communiqué faisait suite à la condamnation à trois ans de prison avec sursis de John Akintola, directeur de publication du journal « L’Indépendant ». Le journaliste était alors accusé d’avoir offensé le chef de l’Etat. L’article controversé faisait état du possible financement illicite des déplacements à l’étranger du président Boni Yayi grâce aux fonds de la société béninoise d’électricité (SBEE). 

 

*HAAC= [Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication], l’équivalent du CSA en France


Boni Yayi invité à être « Charlie » pour les journalistes béninois

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François Hollande serre la main du président du Bénin Boni Yayi, venu pour la marche républicaine, le 11 janvier 2015.

Le dimanche 11 janvier 2015, le président du Bénin Boni Yayi était l’un des six chefs d’Etat africains à marcher à Paris au milieu d’une soixantaine de dirigeants venus du monde entier lors de la marche républicaine contre le terrorisme. C’était quelques jours après l’attentat à la rédaction du journal satirique français Charlie Hebdo. Vue du continent, la participation des chefs d’Etat africains (tous francophones) a suscité la polémique (à l’exception notable de celle de IBK, le président malien). Mais il semble que celle-ci ait ouvert un boulevard aux journalistes pour réclamer plus de liberté d’expression sur le continent. C’est de toute évidence le sens que l’on peut donner à la nouvelle qui fait actuellement le buzz au Bénin.

C’est tombé comme un coup de théâtre. Jamais personne n’aurait imaginé un journaliste de la première chaîne de télévision publique se rebeller de cette façon et en direct. Pourtant, hier, lundi 12 janvier 2015, alors qu’il présentait le journal télévisé de 23 h 30, Ozias Sounouvou, le journaliste de l’ORTB (Office de radiodiffusion et de télévision du Bénin) n’est pas allé pas quatre chemins pour exprimer son désarroi face à sa situation et celle de ses collègues. Alors que le reportage sur la participation de Boni Yayi à la marche républicaine venait d’être diffusé, avec adresse, il a interpellé le président de la République lui demandant également d’être « Charlie » pour les journalistes de l’Office.

Voici l’intégralité des propos d’Ozias Sounouvou :

 « Être heureux et fier du sens de l’engagement de Boni Yayi devenu Charlie pour la liberté de presse en France et à l’international. Comme on aurait aimé pour aller au bout de cet engagement,que le chef de l’Etat devienne Charlie-Ortb. Charlie-Ortb pour la liberté de presse sur le service public de l’audiovisuel au Bénin ; liberté de presse qui rime avec ouverture des antennes de la télévision nationale aux vrais débats, sur les grandes questions politiques et autres qui engagent le présent et l’avenir de la Nation. Monsieur le président de la République, sauvez la liberté des journalistes à l’ORTB précieux héritage de la conférence nationale entre autres et entrez dans l’histoire. Pardon pour cette impertinence, n’est-ce pas là aussi l’esprit Charlie. Clause de conscience et devoir républicain obligent. Monsieur le Président de la République, vous êtes notre recours, rendu obligé ce soir après trois pétitions infructueuses des journalistes de l’ORTB, pour le retour de la liberté de presse sur le service public. Nous voulons juste faire notre métier et prendre notre part à la construction de la République. Vive le service public de l’information sur la chaîne publique ! Vive la république !  » 

 

Depuis, c’est le branle-bas dans l’actualité nationale. Dans la presse et surtout sur les réseaux sociaux, le sujet est l’objet de toutes les conversations. Certains Béninois craignant que le journaliste soit sanctionné pour son impertinence ont d’ailleurs commencé à lancer plusieurs mouvements de soutien à son action sur Facebook. Ils ont repris à leur compte le slogan inventé par Jochim Rocin en l’adaptant au contexte local. Ainsi, les slogans #JeSuisOzias et #CharlieOrtb sont devenus des mots-clés très populaires ces dernières heures sur Facebook et Twitter. En moins de 24 heures, la page « 10 000 j’aime pour Ozias Sounouvou » a déjà rassemblé plus de 2 500 adhérents. Celle baptisé « Je suis Ozias Sounouvou » est aussi « aimée »Organisations de la société civile, hommes politiques, juristes, confrères journalistes et autres personnalités ne cessent d’apporter leur soutien au journaliste.

Sur les réseaux sociaux, l’on salue son courage et sa bravoure. Pour le moment, aucune réaction n’a encore filtré ni de la direction de l’ORTB ni du gouvernement béninois visiblement embarrassés. Wait and see.


SOS, béninoises cherchent copains pour le 1er janvier

Plus que quelques heures, et l’année 2014 sera conjuguée au passé. La particularité des périodes de fin d’année, c’est qu’elles sont remplies d’histoires singulières. Celles relevant des relations entre hommes et femmes en ces temps sont encore plus particulières. Dernièrement je suis tombé sur deux ou trois choses qui ont particulièrement attiré mon attention et inspiré cet ultime billet de 2014.

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Un. Le weekend dernier  j’étais  avec une copine. Fort logiquement, nos discussions s’étaient portées sur les préparatifs des fêtes de fin d’année. La chose était normale à la veille de ce nouvel an. Puisque chez nous le passage dans la nouvelle année est  forcément une occasion de grandes festivités. Elle m’expliqua alors que le constat quelle a fait montre que vers la fin de l’année, les garçons ont tendance a fuir les jeunes filles. « Même ton gars fixe fait semblant de ne pas décrocher  tes appels », m’a t-elle confié. Avant d’en arriver là elle m’avait déjà expliqué les impératifs qu’il faut pour sortir avec elle le 31 décembre ou le 1er Janvier.  Pour mériter sa compagnie il faut lui payer un pagne et le fait coudre. Meches bijoux et chaussure doivent accompagner au minimum.
Comme l’a su si bien chanter un groupe ivoirien : « En décembre, les filles ont deux choses dans la têtes : comment fêter le 25 et le 31 décembre… ! »
Deux. Je me baladais dans l’un des nombreux groupes où j’ai l’habitude de fouiner sur Facebook quand je suis tombé sur ce drôle de publication. Une sorte de déclaration d’amour très intéressée que le destinataire même à du mal à y croire.
C’est une épidémie d’amour contagieux en décembre ???
Message reçu ce matin à 05 heures 37 minutes sur mon portable :
« Bjr chéri. Cmen sva ? Tne pens plu à mw. Mw jntè pa ublié. T7, cè tw ki a été le héros 2 mè rêv 7 n8. Jè adoré. Tu ocup tjr mè penC ! Bb, on ve fêté cmen ? Papa Noël è paC chmw la n8 mdir kil ta confié mon Kdo de fête. Jtaten hein ! Bizzzzzzzz »
Essaie de traduction pour les plus réfractaires au langage SMS : « Bonjour chéri. Comment tu vas ? Tu ne tiens plus à moi. Moi, je ne t’ai pas oublié. Tu sais, c’est toi qui a été le héros de mes rêves cette nuit. J’ai adoré. Tu occupes toujours mes pensées! Bébé (chéri), on veut fêter comment ? Papa Noël est passé chez moi la nuit me dire qu’il t’a confié mon cadeau de fête. Je t’attends hein! Bisous »
Trois. Je sus que l’affaire était sérieuse lorsque je me retrouvé nez-à-nez avec cette autre publication sur Facebook émanant d’une amie que je connais très bien pour son analyse très pointue de certains faits et phénomènes de société (et plus). Faites un tour sur son blog vous-même pour vous en rendre compte. C’est chaudement recommandé par moi. Mylène Flicka semble être scandalisée (elle rouspétait quoi) par une réalité qui relève pourtant d’une évidence certaine.

J’avais à peine entamer la rédaction de ce billet qu’à la faveur d’un tour sur Mondoblog, je tombai sur l’obligation d’esquisser les gos sexy de Lomé en décembre. Un billet signé de mon ami Roland Eli qui aborde le même phénomène. De la Côte-d’Ivoire, il y a cet article de Mariette Yao et cet autre de Kahofi Suy dit Môgôba qui traitent du même phénomène. Je devrais terminer pas une bonne fessée aux filles béninoises qui passent au rabais en cette période de fin d’années. Mais finalement je préfère ne pas les livrer à la vindicte populaire. Il s’agit bien d’un phénomène très général. En tout cas, en Afrique de l’Ouest au moins…