Maurice THANTAN

Bénin : Wémexwé, le festival de la vallée de l’Ouémé

Depuis 2010, Le festival Wémexwé célèbre chaque année les retrouvailles des ressortissants de la vallée de l’Ouémé. Il donne l’occasion aux populations de l’aire socio-culturelle wémè  de mettre en valeur leurs origines à travers ses arts et cultures et de contribuer de manière solidaire au développement de la région.

 

Wémexwé, Photo: Maurice THANTAN
Wémexwé, Photo: Maurice THANTAN

Cette année, c’est dans la commune  d’Adjohoun que s’est tenue la cinquième édition du festival Wémexwé[1]. Les festivités qui ont commencé qui ont commencé depuis le jeudi dernier se sont achevé hier dimanche par un géant pique-nique accompagné de diverses animations culturelles.

L’Ouémé est le plus long fleuve du Bénin avec ses 510 kilomètres. Sa vallée est l’espace géographique d’origine des wémènous[2] qui constituent un groupe socio-culturel du sud Bénin. Ils partagent la pratique de nombreuses activités comme l’agriculture, la pêche et l’élevage qui sont les principales activités de la zone mais aussi une même langue c’est-à-dire le wémegbé[3]. La vallée de l’Ouémé compte quatre communes à savoir la commune d’Adjohoun, les Aguégués, Bonou et Dangbo. Le festival se tient de manière itinérante dans chacune de ces quatre communes. Cette année il s’est (ré)installé à Adjohoun après avoir fait le tour des autres communes.

Cette année comme les années précédentes le festival s’est déroulé avec faste. Des milliers de wémenous se sont rués vers le CEG d’Adjohoun, centre névralgique de la fête, occasionnant par moment de gigantesques embouteillages sur l’unique voie qui traverse la localité. Sur place, les activités sont diverses. La foire économique et artisanale a notamment attiré de nombreux touristes et de curieux qui sont venus voir les différents produits exposés. D’autres spectacles, notamment les démonstrations de masques Zangbéto et des concerts live ont rassemblé des foules toute la journée.

Le festival, comme à chaque année, a été marqué par la présence de nombreuses autorités politico-administratives, des têtes couronnées et des responsables de culte. Il a été également l’occasion de voir la manifestation de la solidarité des Wémenous.

Une manifestation de solidarité active

Depuis 2010, les responsables du festival s’appuient sur la solidarité des populations de la vallée de l’Ouémé pour réaliser de nombreuses infrastructures notamment dans les secteurs de l’éducation et de la santé. En effet, chaque célébration du festival donne lieu à des souscriptions volontaires. La collecte de fonds ainsi faite à travers tout le pays mais aussi dans la diaspora va servir à financer un projet de développement dans la commune qui abrite les manifestations. En 2013, par exemple la commune de Dangbo qui avait accueilli le festival a vu son collège principal doté d’un module de trois classes. Cette année, la commune d’Adjohoun, hôte de l’événement a également bénéficié de la construction de plusieurs modules de classes. Il y a eu la construction d’un module de deux classes au Collège d’enseignement général d’Azowlissè, une classe à Adjohoun et trois classes à Goutin.

Un potentiel économique non exploité

Sur le plan économique, la vallée de l’Ouémé est porteur d’énormes potentialités qui peuvent offrir de nombreuses opportunités. Ce potentiel est notamment significatif en ce qui concerne le domaine de l’agro-industrie. En effet, sur le plan africain la vallée de l’Ouémé serait la deuxième vallée la plus riche derrière celle du Nil (qui contrairement à l’Ouémé traverse plusieurs pays). Il s’agit donc a priori d’une zone à fort potentiel économique car favorable à certaines activités productrices comme l’agriculture, l’élevage, etc. Cependant il existe très peu de projets de développement relatifs à cette vallée. Sinon, les quelques-uns qui sont portés par les autorités sont très loin de faire le bonheur des populations locales. L’une des conséquences de cette non-valorisation est que la région est frappée fortement par l’exode rural malgré le potentiel qu’il renferme.

Il est donc de bonne guerre que les populations de cette aire géographique décident de la mettre en valeur à travers ce festival qui au bout de quelques éditions seulement est déjà devenu une véritable institution. On ne peut que donc souhaiter longue vie au festival qui aura lieu l’année prochaine dans la commune des Aguégués.



[1] Lire wémehoué qui veut dire la fête de l’Ouémé

[2] Populations de la vallée de l’Ouémé

[3] Langue parlée par les populations de la vallée de l’ouémé


Bénin : célébration de la fête nationale du Vaudou

Comme chaque année, le Bénin a célébré ce vendredi 10 janvier 2014, la fête nationale du Vaudou. Instituée depuis 1994, cette commémoration annuelle est l’occasion de mettre en valeur les religions endogènes auxquelles les Béninois restent profondément attachés.

Représentation du Lègba, l'un des dieux du panthéon vaudou.
Représentation du Lègba, l’un des dieux du panthéon vaudou, Photo: www.slateafrique.com

Depuis une vingtaine d’années maintenant, chaque journée du 10 janvier est consacrée au Vaudou. Il s’agit d’une commémoration nationale décrétée par le président Nicéphore Soglo en 1994 en accord avec les dignitaires et responsables des cultes du vaudou. La journée est donc fériée et payée sur tout le territoire national. Cette année, les manifestations officielles ont eu lieu à Abomey-Calavi, une commune située à trente kilomètres environs au nord de Cotonou. Pour le ministre de l’Intérieur de la Sécurité publique et des cultes, M. François HOUESSOU, l’édition de cette année est placée sous le signe de  la tolérance, la sagesse de l’humilité et de la paix.

Ailleurs dans le pays, les couvents et les temples ont été remis à neuf pour la circonstance. Les vodounsi (adeptes du vaudou) se sont parés pour célébrer leurs divinités. Un peu partout à Cotonou, mais surtout à l’intérieur du pays, cette célébration a été accompagnée de démonstrations spectaculaires. Celles-ci, comme à chaque année, ont attiré des milliers d’adeptes, de curieux et de touristes venus de divers horizons pour vivre la quintessence de l’événement.

Au-delà de toutes ces festivités qui entourent la fête du Vaudou, l’essence même de l’entité reste peu appréhendée.  La complexité de ses voies et le mystère qui entoure ses pratiques alimentent régulièrement la confusion autour même  de son but. Certaines personnes n’hésitant pas à assimiler systématiquement le Vaudou au diable ou au « mal », ce dont se défendent évidemment les vodounon et les vodounsi.

Le Vaudou, c’est quoi ?

Le Vaudou est une religion originaire de l’ancien royaume du Danhomè (actuel Bénin). « Il désigne l’ensemble des dieux ou des forces invisibles dont les hommes essaient de se concilier la puissance ou la bienveillance. Il est l’affirmation d’un monde surnaturel, mais aussi l’ensemble des procédures permettant d’entrer en relation avec celui-ci ». Ces rites consistent notamment à entrer en relation avec un ensemble de dieux. Le panthéon vaudou est donc composé de dieux dont la plupart sont l’incarnation ou la représentation de la puissance d’éléments de la nature ou de réalités plutôt abstraites. Ainsi, nous avons par exemple le Sakpata, dieu de la terre, le Hêviosso, dieu du tonnerre et de la foudre ou encore le Mami Wata divinité des eaux. Toutes ces entités divines seraient directement ou non issues de Mawu et Lissa, incarnation des principes originels masculin et féminin.

Parti du Bénin, le vaudou s’est exporté dans le monde entier notamment en Amérique du sud et dans les caraïbes (via la traite négrière notamment) d’où son importante présence au Brésil et en Haïti. Le vaudou peut être décrit comme une culture, un art, des danses, un langage, un art de la médecine, un style de musique, une justice, un pouvoir, une tradition orale et des rites. En effet, depuis plusieurs années le vaudou fait l’objet de travaux de recherches effectués par des chercheurs et universitaires à travers le monde. Il a également intégré la culture populaire tant son environnement inspire de nombreux artistes mais aussi des écrivains et des cinéastes.

Cependant, le vaudou n’a pas toujours bénéficié des meilleures faveurs sur ses propres terres de naissance. En 1972, le régime marxiste-léniniste mis en place à l’époque par le général Mathieu Kérékou le compare à la sorcellerie. Les rassemblements et les cérémonies étaient interdits, les adeptes traqués et jetés en prison. Ce n’est qu’en 1991 avec l’arrivée au pouvoir de Nicéphore Soglo qu’il sera restauré. C’est d’ailleurs ce dernier qui instaura en 1994 cette célébration du 10 janvier.

Selon les statistiques du recensement de 2002, 17% des Béninois pratiquent les religions traditionnelles alors que les chrétiens catholiques et protestants représentent 39% de la population contre 24% de musulmans. Dans la réalité, le culte du vaudou est beaucoup plus répandu. En effet, beaucoup de Béninois, même quand ils pratiquent déjà une autre religion y restent très attachés. Ils participent aux cérémonies et y ont recours en cas de nécessité même s’ils ne le déclarent et l’assument ouvertement.


 


[1] Adeptes du vaudou

[2] Prêtre du vaudou


Bénin : 2014 commence avec une grève générale

Ce mardi 7 janvier 2014, l’administration publique béninoise a été paralysée par une grève générale de 48 heures lancée par les confédérations et centrales syndicales. Le mouvement de débrayage dont les motifs datent seulement de quelques jours a été plus ou moins suivi par un certain nombre de fonctionnaires.

Photo: www.24haubenin.com
Photo: www.24haubenin.com

Les raisons de la colère

Inutile de se précipiter dans les services publics ce matin. Plusieurs d’entre eux tournaient au ralenti. En effet, plusieurs centrales syndicales du pays avaient appelé à une grève générale dans tous les services de l’État. Une grève dont les raisons ne remontent qu’à une dizaine de jours.

En effet, le 27 décembre dernier, les centrales syndicales avaient initié une marche de protestation contre le régime du président Boni YAYI. Cette manifestation était organisée en marge du discours de ce dernier sur l’état de la nation à l’assemblée nationale. Mais au bout des formalités administratives, la manifestation avait été interdite par le préfet des départements de l’Atlantique et du Littoral. Par contre, les organisateurs de la marche ont obtenu le feu vert de la mairie de Cotonou. C’est sur la base de cette autorisation municipale qu’ils se sont rendus à la bourse de travail, point de départ de la marche. Mais dès les premières heures de la journée, le lieu était déjà fortement militarisé. En effet, les forces de l’ordre déployées par le commissariat de police de la ville avaient pour instruction d’empêcher toutes manifestations des responsables syndicaux et de leurs camarades. La manifestation des confédérations et centrales syndicales a donc été violemment réprimée par les forces de l’ordre.

Le mouvement de débrayage de ce jour est une réponse des centrales et confédérations  syndicales  à ce qu’elles considèrent comme « le bâillonnement des libertés démocratiques ». Les responsables syndicaux entendent crier leur ras le bol face à  ces faits qui portent « manifestement la volonté de liquidation des responsables syndicaux et autres manifestants ». Ils rappellent que la grève prévue pour durer 48 heures est reconductible. Par ailleurs, ils exigent la démission immédiate du Préfet des départements de l’Atlantique et du Littoral, Placide Azandé, et celle du Commissaire Central de Cotonou, Pierre Agossadou.

La grève dans la réalité

Afin de prendre la mesure de l’ampleur de la grève lancée ce jour, j’ai fait une descente dans quelques administrations de l’État. En fait, je devrais y faire quelques courses, alors j’en ai profité pour voir la mobilisation des travailleurs. Évidemment, tout le monde n’a pas suivi le mot d’ordre. La méfiance est d’autant plus de rigueur chez les travailleurs depuis que l’État n’hésite plus à faire des défalcations sur le salaire des grévistes. Cette menace a d’ailleurs été brandie par plusieurs responsables, ce qui n’a visiblement pas empêché certains d’aller en grève.

Par exemple, l’Université d’Abomey-Calavi a été profondément touchée par le mouvement de grève. Les amphis et salles de cours étaient  vides car les enseignants ont plutôt brillé par leur absence. A la faculté des lettres, arts et sciences humaines, les étudiants en géographie qui devraient composer aujourd’hui ont vu leur évaluation repousser à une date ultérieure. Ailleurs, le constat était le même pour ceux qui devaient soutenir leur mémoire aujourd’hui. Aussi, un tour au ministère du Travail et de la Fonction publique et je constate que le mouvement de grève a été plus ou moins suivi. La radio et la télévision nationales ont été également mobilisées.

Finalement, le mot d’ordre de grève a été plutôt bien suivi même si la désolidarisation de certains syndicats et surtout la menace de défalcation sur les salaires des grévistes, très vite brandie par le gouvernement, ont sans doute dissuadé beaucoup de personnes. Mais, on peut d’ores et déjà dire que l’année sociale commence sous de mauvaises auspices pour le gouvernement et les syndicats de travailleurs.


2014 : mes vœux pour la nouvelle année

Bienvenue, nous voici en 2014. En ce début d’année, je voudrais, comme plusieurs personnes, consacrer mon premier billet de l’année nouvelle à la formulation de mes vœux. Plutôt personnels, manquant parfois d’objectivité et teintés d’un peu d’autodérision, ils ne manquent pourtant pas de sérieux. Ils sont adressés d’abord à mon pays le Bénin, mais aussi à l’Afrique et à quelques autres aussi.

2014 carte de voeux

Disons le tout de suite, l’année dernière n’a pas été fameuse pour nos autres béninois. Des tentatives d’assassinat aux tentatives de d’empoisonnement en série en passant par les affaires de toutes sortes et de toutes les couleurs on n’est pas passé très loin du chaos. A vrai dire, on était plus proche d’une paranoïa à la nord-coréenne que du calme légendaire que nous aimons tant associer à notre pays. Ajouter cela à nos maux habituels, besoins éternels et aux promesses non tenues sans cesse renouvelées, et vous obtenez un panache bien concocté de peur, d’instabilité, de crise et de frustration. A la fin, les Béninois étaient devenus les plus malheureux de la planète même si le président de la république ne l’entend pas de cette oreille. En gros 2013, c’était mort pour nous! Face à ce tableau peu reluisant de l’année qui vient de se terminer, mes vœux pour la toute nouvelle sont forcément coriaces.

Pour le Bénin

Pour commencer, je souhaite un meilleur président pour le Bénin. Pas qu’on changeât l’actuel chef de l’État (pour cela, on attendra démocratiquement 2016) mais qu’il devienne meilleur. Enfin, qu’il emploie davantage ses moyens pour s’occuper de nos problèmes et fasse un effort pour être au courant des affaires qui se déroulent dans son administration. Parce que si en 2014, il doit continuer à passer son temps à se défendre dans les tribunaux à quel moment va-t-il enfin s’intéresser sérieusement à des choses sérieuses comme la cherté de la vie, la crise économique et les 70% de jeunes qui sont au chômage. Et s’il n’est même pas foutu de savoir que ses collaborateurs sont en train de détourner des dizaines de milliards sous ses yeux, comment saura-t-il que moi je suis obligé de payer le triple des frais exigés pour me faire établir une carte d’identité.

Je souhaite un pays plus juste et plus équitable où les syndicalistes peuvent manifester en toute quiétude. Si les gens peuvent organiser des marches de soutien au président de la république parce qu’il vient de nommer untel ministre ou un autre chef service, qu’on permette également à d’autres de manifester leur colère. C’est cela la démocratie. Après tout le pays appartient à tous les Béninois qu’on soit de la mouvance présidentielle, opposant ou syndicaliste.

Je souhaite un pays plus sûr à tous les Béninois, quelle que soit leur activité professionnelle. Enfin, si tous les juges et les hommes d’affaires doivent fuir ce pays, où serait la paix sociale ? Le Bénin a besoin de tous ses enfants qu’ils qui soient ; ce n’est pas en le fuyant que nous allons le construire.

Plus de travail pour les jeunes…, en tout cas pour ceux qui y croient encore. Pour ceux qui ont compris que la fonction publique n’est plus à la mode (de toute façon, les résultats sont souvent connus avant le lancement des concours de recrutement) je souhaite plus de courage, de créativité et de persévérance. Une chose est sure, Paris ne s’est pas fait en une nuit, et tout le monde dit que l’Afrique est le continent de demain, donc restons mobilisés, le prochain Bill Gates est parmi nous.

Je souhaite moins de délestage et une meilleure connexion internet afin que je puisse travailler tard dans la nuit et mettre en ligne mes articles quand je voudrai. Ah ça, vraiment hein…!

Je souhaite moins de réussite au baccalauréat. Nos campus universitaires n’en peuvent plus d’accueillir autant de bacheliers chaque année. Et puis, si votre  diplôme  n’est pas plus qu’un billet aller-simple au chômage, pourquoi aller perdre son temps d’ailleurs ?

Pour l’Afrique…

Je souhaite moins d’intervention de la France en Afrique. Enfin, il est temps que les Africains comprennent que François Hollande n’est point le président des Africains mais celui des Français et que ces derniers méritent bien aussi une intervention en ce moment.

Je souhaite moins de sommets de chefs d’État Africains en 2014. S’ils ne doivent servir qu’à entretenir et renforcer leur fraternité, décider de ne pas envoyer leurs copains à la CPI et sauter le champagne le soir, je n’en vois pas du tout l’intérêt.

Et pour finir, je souhaite moins de transition en Afrique. Voilà un mot qui traduit un régime que l’on affectionne tant en Afrique. Et pour cause, avec lui deux mandats présidentiels peuvent passer sans qu’on s’en rende compte. Avec la transition, on peut noyer une révolution faite au prix de la vie de centaines voire de milliers d’innocents. Assez de transition donc… !

On va s’en arrêter là. Vivement décembre… pour faire le bilan.

Bonne année à tous !