Maurice THANTAN

Bénin : ce qu’il faut retenir du discours du chef de l’Etat sur l’état de la nation

Arrêtons-nous un instant pour parler de politique sur ce blog. Certes, il n’est pas dans ses traditions que ce blog aille en vadrouille sur le terrain politique, mais compte tenu de l’importance du sujet, prêtons-y une petite attention. En effet, ce jour vendredi 27 décembre 2013 le président de la république, Boni Yayi a sacrifié à la tradition en livrant son discours sur l’état de la nation face à la représentation nationale. Un discours que j’ai eu le plaisir de « live-tweeter » ce matin. Je vous propose ici, de le revivre à travers quelques grandes lignes.

« Note d’avant lecture: Cet article a été écrit, achevé et prêt à être publié depuis hier après midi mais je n’ai pas pu le publier en temps voulu à cause des fluctuations de la connexion internet et des coupures d’électricité. A cet effet, je vous demande très sincèrement, en le lisant, de bien vouloir le remettre dans son contexte afin de faciliter la compréhension. MERCI! »

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Ce vendredi 27 décembre 2013, le président de la république a sacrifié à une tradition et respecté une disposition constitutionnelle en adressant au parlement son discours sur l’état de la nation. Commencée quinze minutes avant 11 heures, l’intervention a duré, en tout, une heure et vingt minutes et s’est articulée autour de deux grands axes. En effet le président de la république a, dans un premier temps, dressé le bilan de l’année 2013 qui tend à son terme. Dans un second volet, il a annoncé quelques grandes perspectives autour desquelles s’articulera l’action de son gouvernement au cours de l’année à venir.

En terme de bilan, le président de la république a résumé l’année 2013 en trois grands axes principaux à savoir : la gouvernance politique et administrative, la gestion de la justice sociale et de la solidarité nationale et enfin la gouvernance économique.

Ainsi, abordant ces thèmes, le président de la république a d’abord rappelé que « la démocratie implique l’organisation d’élections libres, transparentes, crédibles et à bonne date ». Ceci pour insister sur l’action de son gouvernement dans le processus de correction de la Liste Électorale Permanente Informatisée (LEPI). Il faut rappeler que le retard accusé par cette correction empêche aujourd’hui l’organisation des élections communales et locales alors que les élus actuels ont achevé depuis longtemps leur mandat. Toujours dans cet ordre d’idée, le chef de l’État est revenu sur son projet de révision de la constitution. A ce sujet il a fait une déclaration qui mérite bien des analyses. En effet, Boni Yayi a déclaré in extenso « je m’abstiendrai donc de m’étendre davantage sur ce dossier dont le cours relève désormais de la compétence de votre auguste assemblée et sur lequel vous connaissez déjà ma conviction et mes choix »

Abordant les autres aspects du bilan de l’action de son gouvernement en 2013, Yayi Boni est revenu entre autre sur les sujets comme l’organisation du mois du service public avec comme finalité zéro dossier en instance dans les tiroirs, la vulgarisation de la Charte de gouvernance pour le développement du Bénin, l’opérationnalisation du Régime d’Assurance Maladie Universelle (RAMU), la gratuité de la césarienne et des enseignements maternels et primaires. Au plan de la gouvernance économique, il a été question des bonnes notes du Bénin dont le taux de croissance serait passé à 6.2% en 2013 contre 5.4% en 2012. Le renforcement de la capacité énergétique de notre pays, la promotion de entrepreneuriat agricole, l’amélioration de la compétitivité du Port Autonome de Cotonou, la réhabilitation du réseau routier existant, la lutte contre le terrorisme international, les réseaux de trafic et les crimes transfrontaliers sont autant de réalisations que revendique Boni Yayi en termes de bilan positif de son gouvernement au cours de cette année.

Par contre, en termes de perspectives, le président de la république n’a pas fait de grandes annonces comme l’avait espéré certains Béninois. Ça n’a pas non plus été le message d’apaisement et de cohésion nationale qu’espéraient d’autres. Cependant, il a annoncé quelques objectifs à atteindre par son gouvernement en 2014 dans différents domaines. Par exemple, en ce qui concerne l’économie il annonce une croissance à 6.5%. En rappelant qu’ « une jeunesse au chômage est une véritable bombe à retardement », Boni Yayi a annoncé que la problématique de l’emploi des et des femmes représentera un enjeu important pour son gouvernement en 2014. Par ailleurs le chef de l’État s’est engagé à faire du bénin un pays producteur de café-cacao et réduire considérablement sa dépendance énergétique vis-à-vis de l’extérieur d’ici 2015. En effet, selon lui, la perspective à l’horizon 2015 est de passer de 200 Mégawatts à environ 1500 Mégawatts. L’installation des Centres Songhaï dans tous les départements, l’achèvement et la mise en service de six unités de transformation des produits agricoles, la construction d’un second port en eau profonde à Sèmè-Podji, l’organisation du forum national sur la sécurité publique sont autant d’autres objectifs que le président s’est donné pour l’année 2014.

A la lumière de ce discours, on peut relever notamment le mutisme du chef de l’État sur certaines questions importantes comme par exemple le sujet des droits de l’homme et des libertés publiques, au vue des événements qu’a traversé notre pays au cours de 2013. Le sujet est d’autant plus d’actualité quand on sait qu’une marche pacifique (interdite par le préfet) des centrales syndicales organisée en marge du discours du chef de l’État a été sévèrement réprimée par les forces de l’ordre.

Mais une chose est sure, tout le peuple béninois a pris connaissance des objectifs que le chef de l’État s’est fixé et lui donne rendez-vous dans un an pour la reddition de compte.

 

 

Lire l’intégralité du discours ici


Bénin : la petite histoire des fêtes de fin d’année

On est en décembre depuis quelques semaines déjà. A l’approche des fêtes de fin d’année Cotonou et ses environs ressortent leurs paillettes. La ville scintille. Les couleurs et les senteurs  nous plongent dans l’ambiance euphorique que peuvent susciter Noël et le Nouvel An. Mais ce climat particulier n’efface pas pour autant certaines réalités.

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Il y a deux jours, je quittais le centre-ville pour rentrer chez moi vers 20 heures. La ville m’a semblé toute nouvelle et toute brillante avec ses décorations et guirlandes. Les feux tricolores, les ronds-points et divers carrefours de la ville ont été pris d’assaut par les marchands ambulants de jouets, d’accessoires et masques de déguisement, mais aussi de pétards et de feux d’artifice. C’est à ce moment que je me suis rendu compte que nous étions déjà à la veille de Noël et que le Nouvel An approchait. Cotonou était déjà totalement dans l’effervescence des fêtes de fin d’année. Il n’est pas rare d’ailleurs de croiser des personnes se souhaitant d’ores et déjà heureuse année et s’échangeant leurs meilleurs vœux bien que nous sommes à plus d’une semaine de l’événement proprement dit. Mais à côté de toute cette ambiance chaleureuse se trouve également une autre réalité moins heureuse,  moins médiatisée, mais habituelle comme en témoignent ces deux exemples qui ont retenu mon attention.

Le Far West des produits périmés et impropres à la consommation

Comme partout ailleurs dans le monde, au Bénin, la période des fêtes est le moment de faire de bonnes affaires, à la fois pour les commerçants et pour les consommateurs. On assiste un peu partout à des « promos choc ». Dans nos marchés publics, de nouveaux produits apparaissent à des prix défiant toute concurrence : on parle de liquidation. Malheureusement dans ce genre d’embrouillamini total circulent des produits d’origine douteuse, parfois déjà périmés. Le ministère de la Santé a beau mettre en garde les consommateurs, quand c’est moins cher (et importé), personne n’a vraiment le temps d’en vérifier la composition, pas plus que la date de péremption.

Par exemple, il y a quelques semaines, nous avions été assaillis par des rumeurs faisant état de la mise sur le marché d’un sucre en poudre totalement intoxiqué. La rumeur avait notamment emballé les réseaux sociaux et la presse locale. Malheureusement, ce genre de rumeur souvent avérée est fréquent à l’approche des fêtes de fin d’année.  Parmi les produits à  risque, il faut compter notamment les boissons, les biscuits et les boîtes de conserve.

Une superstition ambiante

Aussi bizarre que cela puisse paraître, c’est la période par excellence où les Béninois deviennent de grands philosophes, des spiritualistes, des religieux, etc. Le moindre fait ou événement donne lieu à une pléthore d’interprétations les unes aussi variées que les autres (pour ne pas dire aussi saugrenues les unes que les autres). Un soleil trop brûlant, un harmattan un peu plus fort que d’habitude ou un accident de la circulation n’a plus rien de banal, mais il  est forcément un signe prémonitoire ou une punition divine. On entend dire même que Dieu ferait son « inventaire » des méchants qu’il élimine et par toutes sortes d’événements malheureux (sans commentaire). Je me rappelle encore qu’en 2003, le crash d’un avion de ligne à Cotonou le jour de Noël avait suscité diverses interprétations (sauf rationnelle). Et il y a une semaine, l’incendie d’un bus de transport en commun à Porto-Novo faisant cinq victimes n’a pas encore cessé d’alimenter les débats.

En attendant le Nouvel An, mercredi prochain, la petite histoire des fêtes de fin d’année suit son cours à au pays. Et on en reparlera certainement une fois les fêtes passées.


Porto-Novo: un patrimoine architectural à sauvegarder

Début décembre, j’ai l’occasion de (re)découvrir la capitale du Bénin sous un autre angle et avec un nouveau regard. En effet, je suis en résidence dans le cadre d’un atelier de photographie et de réalisation de web-documentaire. A cet effet, j’ai eu le temps de contempler davantage la ville et en profondeur. Alors, j’ai décidé de lui dédier quelques articles dont voici le premier consacré à son très riche patrimoine architectural en danger.

 

La mosquée centrale de Porto-Novo serait une réplique de la cathédrale catholique de San Salvador de Bahia au Brésil
La mosquée centrale de Porto-Novo serait une réplique de la cathédrale catholique de San Salvador de Bahia au Brésil

Si vous êtes étranger et que vous arrivez dans la capitale du Bénin, Porto-Novo, il y a une chose qui vous frappera à coup sûr, quand vous observez bien votre environnement. En effet, lorsque vous regardez bien autour de vous, vous remarquez très rapidement la particularité de l’architecture  des bâtiments. Le constat est encore plus perceptible lorsque l’on arrive d’une ville comme Cotonou où tous les édifices abhorrent leur aire moderne.

A Porto-Novo, une majorité des constructions est soit bâtie selon les formes de  l’architecture coloniale ou afro-brésilienne. En effet, l’architecture de Porto-Novo est influencée par deux courants qui trouvent leur fondement dans le passé historique de la ville. Il y a l’influence de l’architecture occidentale (européenne plus précisément) du fait des maisons et bâtiments de fonction des cadres de l’administration coloniale. Faut-il le rappeler, à partir de 1896, la ville est devenue capitale de la colonie française du Dahomey favorisant ainsi l’implantation d’infrastructures administratives typiques de l’architecture coloniale.

Il y a également l’influence remarquable et plus visible de l’architecture afro-brésilienne. Particulièrement riche et présente au centre-nord de la ville (quartier afro-brésilien), elle est le fait des familles d’esclaves affranchis revenus du Brésil et de leurs descendants. Fleuron de cette spécificité architecturale de la ville aux trois noms, la mosquée centrale de Porto-Novo, dont les formes ne rappellent en rien le style d’une mosquée ordinaire, serait une réplique de la cathédrale catholique de San Salvador de Bahia au Brésil. Ces bâtiments afro-brésiliens sont notamment parés de diverses décorations murales particulièrement expressives, fruit d’un savoir-faire ancestral et dont la reproduction est quasiment impossible aujourd’hui.

Par ailleurs, à côté de ces deux éléments il faut aussi signaler l’existence d’un tissu vernaculaire riche de palais royaux, temples vaudou et autres paysages sacrés.

Bien malheureusement, bon nombres de ces joyaux architecturaux sont désormais des « espèces en voie de disparition » du fait qu’ils sont littéralement abandonnés, en état de dégradation et ne bénéficient d’aucun projet de réhabilitation pour leur sauvegarde. En fait, quelques bâtiments coloniaux abritent aujourd’hui des services de l’administration publique (exemple de l’ancien palais du gouverneur Bayol, actuel siège de l’Assemblée nationale), ce qui contribue dans une moindre mesure à leur sauvegarde. Ce n’est en revanche pas le cas des maisons afro-brésiliennes qui suscitent moins l’intérêt des autorités du fait de leur statut de propriété privée. Il en est de même des palais royaux, des temples vaudou et jardins sacrés.

 

L'ancienne résidence du gouverneur Bayol est aujourd’hui  le siège de l'assemblée nationale
L’ancienne résidence du gouverneur Bayol est aujourd’hui le siège de l’assemblée nationale

Or, ce riche patrimoine architectural, fortement menacé aujourd’hui constitue l’une des plus grandes potentialités de la ville.

Sa sauvegarde pourrait ouvrir, pour la ville, de nouvelles perspectives sur le plan socio-économique notamment par le biais du développement d’une activité touristique.En effet, la conservation, la rénovation et la mise en valeur de ce patrimoine doit représenter désormais un enjeu important à la fois pour les autorités communales mais aussi au niveau national. C’est d’ailleurs pourquoi la sauvegarde de ce patrimoine est inscrite au cœur de projet de réhabilitation du passé historique de la ville. Ceci avec la participation de structures compétentes comme l’école du patrimoine africain afin de réaliser un cadre juridique de protection de ce patrimoine.

Les espoirs mis dans ce projet de réhabilitation sont énormes. Pour Alain Godonou, ancien directeur de l’Ecole du Patrimoine Africain  (EPA) « l’exceptionnelle qualité du tissu architectural et urbain de la ville historique ainsi que sa diversité permettent d’espérer son classement au titre du patrimoine mondial ». C’est en effet là tout l’enjeu de cette sauvegarde.


L’Institut français célèbre 50 ans d’existence au Bénin

L’année 2013 marque les 50 ans de présence de l’Institut français au Bénin. Pour célébrer ses noces d’or avec le public béninois, l’ex-CCF (Centre culturel français) consacre tout le dernier trimestre de cette année à des manifestations spéciales pour marquer l’événement. C’est surtout l’occasion pour certains artistes qui ont été promus par l’institut de rendre hommage à ce dernier et de mettre en avant le rôle important qu’il joue dans le paysage culturel de notre pays.

 

Institut français de Cotonou, Photo: Maurice THANTAN
Institut français de Cotonou, Photo: Maurice Thantan

C’est par la première édition de la nuit blanche à Cotonou que l’Institut français a lancé cette année les festivités marquant le cinquantième anniversaire de sa présence au Bénin. En effet, le 5 octobre dernier, l’Institut français a organisé dans ses espaces la soirée qui marque aussi le début des festivités du cinquantenaire. La soirée a débuté par le vernissage de l’exposition Hommage réunissant des œuvres d’artistes plasticiens comme Romuald Hazoume, Dominique Zinkpe, Aston, Gérard Quenum, Simonet, Tchif et Charly d’Almeida.

Ces artistes reconnus dont la notoriété dépasse désormais les frontières nationales ont exposé à l’Institut au cours de leur carrière. Cette exposition collaborative revient sur les liens qu’ils ont entretenus avec la structure. L’exposition Hommage qui propose sculptures, installations, projections, vidéos dans les différents espaces est à voir jusqu’au 21 décembre 2013. Par ailleurs d’autres prestations d’artistes musiciens, comédiens ou humoristes s’inscrivant dans le cadre de la célébration de ce cinquantenaire se sont succédé à l’Institut Français depuis octobre. En effet, cette célébration entre autres la participation des stars comme Awadi, Mamane de RFI, le groupe Poly Rythmo, Tola Koukoui ou encore Angélique Kidjo.

 

Taxi Démocratie par Zinkpe,  une des installations de l'exposition HOMMAGE, Photo: Maurice THANTAN
Taxi Démocratie par Dominique Zinkpe, une des installations de l’exposition « Hommage », Photo : Maurice Thantan

En fait, l’Institut français tient rôle de tête d’affiche dans le paysage artistique et culturel de Cotonou. En effet, en l’absence de bibliothèques nationale et municipales sérieuses, celle de l’Institut français représente une mine importante de ressources pédagogiques à la fois pour les élèves, enseignants et chercheurs. Par ailleurs, pour les cinéphiles (comme moi par exemple) la vidéothèque et l’auditorium sont quasiment les seuls endroits à Cotonou où l’on peut légalement assouvir cette passion face à la disparition quasi totale des salles de cinéma. L’Institut français, c’est également des clubs de lecture et des rencontres littéraires qui témoignent de la créativité et du dynamisme de la création littéraire de notre pays.

Au moment de célébrer les cinquante bougies de l’existence de cet Institut, et à la suite des artistes plasticiens cités plus haut, c’est un  hommage  personnel que je rends à travers cet article en tant que, adhérent de longue date et personne ayant une relation particulière avec le lieu. Cet hommage est d’autant plus nécessaire quand je réalise que sur le plan national, il manque cruellement d’établissements semblables à celui-ci. En effet, en écrivant cet article, je n’ai pas pu m’empêcher de me confronter moi-même à certaines questions essentielles en tant que Béninois. Pourquoi plus de cinquante ans d’indépendance après je dois écrire un article pour célébrer le travail remarquable que fait l’Institut français dans le paysage artistique, culturel et littéraire de mon pays ? Parce que je n’ai pas le choix peut être… !

C’est donc pour cela que tout en souhaitant longue vie et plein succès à l’Institut français du Bénin, j’en profite pour lancer un appel aux dirigeants à divers niveaux de ce pays à penser à ériger un pôle culturel, artistique et littéraire digne de la diversité et de la création artistique et culturelle de notre pays.